Hurra Torpedo, Seigneur des Mouches.

Affalé sur son trône de détritus, tirant machinalement sur un joint de coke coupée beaucoup trop de fois, il observe la masse grouillante des Branleurs s'agiter.
Grandeur et déchéance. Le rockeur nerveux en survet' bleu électrique a pris un coup de vieux. Il distribue rôle, mise en scène, et refait devant un public désormais absent de pâle représentation que son cerveau cocaïné juge mythique.

Seul au milieu d'un ruelle de Ramdam, de rares groupies s'arrêtent encore pour poser sur lui un regard ou la luxure a cédé le pas à la compassion.
Il fait peine à voir, un filet de vomis s'étirant de sa barbe pour caresser le sol stérile de la ville.
Ses yeux rougis se posent sur un monde qui la laissé depuis longtemps derrière lui. La cité a bien changé, les gens ont bien changé, tout a bien changé.
Pas lui.

Il jette un regard mauvais à ses hallucinations, exerçant son autorité sur les errements de son esprit, dictant à des fantômes ses moindres désirs et s'enorgueillissant de leur affable coopération.
Et quand il se lève parfois, poussé par le virtuose d'un génie créatif depuis longtemps agonisant, c'est avec la violente réalité de son survêtement mouillé d'urine collant à son sexe flasque qu'il réintègre sa fragile enveloppe corporelle.

Vaincu, il s'effondre dans les immondices, retrouvant sa place encore chaude entre les restes fumant des cuisines communes et les rejets odorants des toilettes publiques. Sa main tremblante se met à chercher frénétiquement sa pipe à crac égarée et un morceau de charbon rougeoyant calé entre ses doigts lui permet en une longue inspiration de retrouver son univers.

Il reste de la star du rock, du King de la Pop, une toux grasse et morbide au fond d'une ruelle oubliée.

» Hurra Torpedo, Seigneur des Mouches.
» Hurra!
» Prions notre Seigneur