Goobye Omega

Texte du joueur de Leana :

Depuis trop longtemps…
Cela durait depuis beaucoup trop longtemps et elle n’en pouvait plus. Elle n’était pas mal traitée, non. Cela il y avait longtemps que c’était terminé.
Elle était simplement mise à l’écart, constamment rabaissée, ignorée, rejetée. Orlan était fier, froid et orgueilleux. Il voulait tout contrôler de sa main de fer, et l’aurait pu s’il avait su s’entourer…
Mais non.
Il s’acharnait à refuser. Il s’acharnait à croire qu’à lui tout seul il ferait plier toutes les volontés… Il s’enfermait petit à petit dans un rêve de pouvoir, et oubliait ceux qui l’entouraient, celle qui l’aimait.
Elle ne supportait plus sa condition. Il lui avait permis d’assouvir sa vengeance, mais désormais elle ne trouvait pas sa place.
Haït de ses plus proches, dénigrée par son compagnon. Ce soir elle se glisse hors des couvertures et se lève sans bruit. Les maux de têtes d’Orlan ainsi que les drogues qu’il ingurgite pour les calmer ont finalement eu raison de lui.

Elle dépose un baiser sur le front de son dictateur. Celui qui a régit sa vie pendant si longtemps. Celui qui lui a tout prit… et tout donné.
Ce soir elle retrouve sa liberté.
Le plaisir est entachée par ce qu’ils auraient pu faire ensemble, mais l’ambition et la paranoïa du chef de l’Acide le rongeait désormais comme le poison à qui il avait voué sa vie.
Elle dépose une lettre avant de s’en aller.
Quelques mots, dernier signe de son acte :

« Orlan,
Tu as choisis ta vie, et j'ai compris il y a peu que je n'y avais pas ma place.
Je t’aime pour ce que tu m’as permis d’accomplir.
Je te hais pour ce que tu t’entêtes à rester.
Tu es maudit.

Adieu. Lëa. »

La lune est encore haute lorsqu’elle s’approche sans bruit de l’enclot. Détachant Miccal le cheval docile, il a lui aussi sa part de responsabilité dans tant d’évènement… Premier véhicule de l’Acide, c’est grâce à lui qu’ils purent rencontrer le Rainbow sur les ruines d’Alpha Nuke…

Un moment elle s’abandonne à la réflexion, un moment de trop. Et une main se pose sur la sienne. Elle lève alors les yeux, le regard plein d’incompréhension de la Chose la foudroie. Il va pour parler quand les réflexes de Lëana réagissent bien avant sa pensée. Les mouvements maintes fois répétés avec Tibor surgissent alors :
Déplacement, déséquilibre, sa jambe s'élance, fauchage, chute lourde sur le sol, la main s’élance vers la gorge, mais cette fois elle ne la retient pas…
Elle vérifie rapidement l'état de l'homme qui semble simplement inconscient, et le hisse tant bien que mal à l’arrière du chariot, elle le libèrerai plus tard…

Doucement elle s’approche du poste de garde. Un regard froid, un bref salut et elle sort tranquillement de la ville. Qui va lui demander ce qu’elle fait… ? N’est-elle pas Citoyenne de l’Ordre.

Hors de vue de la cité, elle fouette la brave bête pour la faire accélérer, déjà le soleil commence à pointer, et il y a tant de route à parcourir pour se mettre hors de portée. Elle soupire, pourquoi s’en faire désormais ? Les dés sont jetés, elle a abattu son dernier atout et il ne lui reste plus de carte en main. Tout en s’enfonçant dans son siège elle profite de ce moment de paix, le premier depuis si longtemps…
Une triste mélodie d’harmonica résonne dans son esprit.
A moins que…

Ses paupières s’ouvrirent sur un océan de poussière. Sa vue tremblait. Bientôt, Fubarro émergea et s’aperçut de sa condition ; il était sur un char lancé vers l’inconnu. Il se redressa péniblement, en s’appuyant sur un sac de victuailles. Plein. Il y a longtemps qu’il n’en avait pas vu de la sorte.

A l’avant du bolide, une forme rousse tenait les rênes, le buste droit, la mine altière. Le bluesman tenta de se lever, mais le choc de titan entre les roues cerclées et un champ de scories le précipita en arrière, dans des outres d’eau nauséabondes. Son haut-de-forme s’échappa, et c’est au prix d’un geste réflexe qu’il put le rattraper avant sa chute sur le coussin moelleux du désert.

***


Vautré dans les réserves, Fubarro contempla le panorama. Ce soleil naissant qui pointait, dessinant de longues balafres rouges dans le ciel. Éclairait la noirceur du sable de reflets irisés. Cette poussière terreuse qui surnageait à la surface du grand vide, virevoltait avec le vent, tourbillonnait avec fracas au passage du chariot. Cette distorsion du temps et de l’espace, ce sentiment d’être à la marge mais d’être au centre de tout. Fubarro n’aurait jamais cru qu’il serait si ému de retrouver le désert. C’était beau. Et triste. Mais beau, surtout. Le vide faisait partie de lui, désormais. L’errance pour précepte, la solitude pour étendard, la mélancolie pour hymne. Bienvenue à la maison.

Exhumant son harmonica d’une poche de sa redingote crasseuse, il haleta dans ses tubes. La langoureuse mélodie s’échappa, accompagnée par le rythme des sabots, le grincement des essieux, le vibrato du bois.

Leana se retourna. Dévisagea l’harmoniciste. Demeura interdite. Parut inquiète.
Puis sourit. Et redirigea son regard vers la route ocre.

***

Le jour s’était levé. Le soleil brûlant dardait déjà les peaux. Le nuage de poussière poursuivait sa fuite en avant. A des lieues de là, la chasse avait sans doute été sonnée. Les chiens de guerre flairaient leurs traces.

Fubarro était déjà mort il y a bien longtemps. Et était prêt à mourir une deuxième fois pour cette extase des sens.

Depuis plusieurs jours, Henja s’était faite étonnamment discrète à Omega, même pour son mari. Finissant par lui avouer son envie de quitter la communauté, la croate ne reçut pas la réponse souhaitée et s’ensuivit une dispute avec Tibor…

La nuit fut donc longue pour la jeune femme et, chose relativement rare, elle n'alla pas rejoindre le roumain sous la tente.

Ce ne fut que le lendemain qu'elle le retrouva, les yeux rougis par une nuit sans sommeil et par les nombreuses larmes qu'elle avait dû verser. Elle lui tendit ses armes et lui dit :

J'aurai pas b'soin de ça. Par contre me faudrait une besace, et des vivres pour 2 ou 3 lunes. C'est possible m'sieur le comptable ?

Justement le Roumain cherchait la jeune Croate partout. Il tiqua légèrement en observant ses traits tirés mais se reprit très vite passant comme à son habitude à l'essentiel.

" Déconne pas. Lëana s'est fait la malle c'nuit 'vec l'chariot et l'AK. "

L'entrainant avec lui sans préavis vers le QG de l'Acide et le garage, il rajouta:

" t'voulais du sport, t'es servie. La chasse commence..."


Henja n'avait pas trop réagie à l'annonce de son mari, exécutant juste la demande du Roumain de contacter une ou deux personnes.
Lui aboyait des ordres en rameutant quelques Nukiens ou dialoguant par radio.
En même temps il griffonnait sur une carte illisible pour n'importe qui d'autre alors qu'Orlan se planquait dans un coin quelconque. Ils eurent une rapide conversation au milieu de la matinée puis le Roumain retourna à sa traque.

Au bout de quelques heures, Tibor porta son regard sur Henja à la fois sérieux, triste mais aussi déterminé.
Sa main se porta sur son fusil sans qu'il ne la quitte des yeux. A son air elle sut qu'il avait retrouvé la fugitif et qu'il n'y aurait pas de négociations.
Tout en avançant vers Henja, il fit un léger signe à Zorglub qui attendait non loin puis demanda rapidement:

" Nous partons ? "

La jeune femme avait reçu la nouvelle comme un choc. Lëana était partie... Les deux femmes entretenaient une relation ambigüe, Henja la considérant parfois comme une amie, à d'autres moments comme une prisonnière dont la vie était une insulte à l'Acide...

Mais cette fois-çi, la rousse avait été trop loin et Henja ne pouvait plus la défendre. Le lance-flamme rempli et le katana aiguisé, la croate retrouva son mari et d'une voix sombre lui demanda :

Est ce que je peux conduire le buggy ?

Dans les yeux de la jeune femme, de la colère et de la détermination, mais aussi une ombre de tristesse, dont elle seule connaissait la cause...

Henja avait écouté les quelques mots de son mari le coeur serré. Les yeux rivés sur le désert, elle refusait de regarder la scène, de regarder Tibor pointer son arme sur Lëana, de regarder mourir la rousse... Elle aurait pu intervenir, empêcher le roumain de la tuer, mais en aucun cas elle ne pouvait pardonner une trahison...

La détonation lui parvint. Un bruit sourd, froid, qu'elle connaissait bien mais qui prenait une dimension différente aujourd'hui. La jeune femme baissa la tête et resta ainsi immobile quelques secondes, des sentiments confus se bousculant en elle...

Lorsque enfin Henja réagit et tourna la tête, la vérité lui apparut. D'instinct, en observant Tibor, elle sut qu'il ne l'avait pas tué. Alors seulement elle descendit du buggy, passa devant son mari auquel elle adressa un pâle sourire et se dirigea à pas lents vers le chariot.
La balle meurtrière n'avait en rien abimé le visage de Lëana, qui semblait étrangement serein et apaisé face à la Mort. Seul le sang qui se répandait de l'arrière de son crâne témoignait du suicide, grande auréole rougeâtre autour des cheveux de feu...

La croate étala sur le sable un grand drap qu'elle avait apporté avec elle et avec une délicatesse proche de la tendresse, elle porta le cadavre de celle qui avait été son amie, quoique brièvement, et la déposa sur le linceul.
Arrangeant les cheveux autour du visage de Lëana, Henja essuya les quelques traces de sang qui maculaient ses joues et son front et dans un dernier geste, la jeune croate ferma les paupières de la rouquine...

Le vent commençait à se lever. La jeune femme replia le drap sur le corps de la défunte et regarda le doux visage. Quelques larmes roulèrent alors sur les joues d'Henja lorsqu'elle murmura :

Si sretana...

Le visage fut couvert juste après. Une dernière fois, Henja s'empara du corps de la jeune femme et la porta jusqu'à l'arrière du buggy. Une page venait d'être tournée...