Cela faisait désormais quelque temps qu'un individu affreusement malformé avait passé les portes d'Omega Nuke. De lui, il ne restait maintenant plus rien, si ce n'est un surnom étrange murmuré par tous : La Chose.
Si son arrivée avait pu intriguer nombre d'habitants et le transformer soudainement en bête de foire, les émotions étaient bien vite retombées. Depuis l'épisode du baquet, la Chose s'était enfuie précipitamment, sans jamais vraiment réapparaître.
Les Nukiens finirent ainsi par oublier sa présence, progressivement. De temps en temps néanmoins, on croyait l'apercevoir, la nuit, au détour d'une rue, dans la projection d'une ombre abominable. Ou parfois, la neige restait témoin de traces gigantesques et inquiétantes qui rappelaient que la Chose rôdait toujours.
Un soir d'orage même, on entendit des cris affreux et à chaque éclair, des bruits marqués de pas retentissaient, comme ceux d'un homme poursuivi.
La vérité était qu'il se cachait dans les recoins de la ville, isolé et seul dans le froid de l'hiver. Il fuyait les habitants, appeuré par leurs réactions imprévisibles, cherchant toujours le meilleur endroit où il put ne pas être dérangé. Il ne se décidait pourtant pas à quitter Omega, trouvant toujours des restes de nourriture ou d'autres objets intéressants que la nature n'offrait pas systématiquement.
Dans le froid glacial, le géant s'était recouvert d'un vêtement bien singulier, réunissant à la fois de larges habits troués et de grosses peaux de bête. Il ramenait d'ailleurs du gibier quand il ne trouvait rien de satisfaisant intra-muros. Les scènes de chasse du reste étaient un fait plutôt étonnant chez ce genre d'homme. La stratégie lui manquait. Alors il fonçait dans le tas, propulsé par ses jambes démesurées, agrippant l'animal comme une brute pour lui fracasser le crâne de ses puissants bras.
Là résumait toute l'existence de cet être. Sa force extraordinaire n'était servie par aucune intelligence. La nature aurait pu en faire un roi monstrueux, débauché dans toute sa puissance, s'il n'avait eu qu'un rien de raison. Mais ce ne fut qu'un miséreux cabossé qui naquit, diminué en tout, surtout en pensée.
Dans sa solitude, le bossu se prenait parfois à épier les habitants. Il les observait dans leur routine, les écoutant parler avec tant d'adresse, s'étonnant aussi de les voir souvent se regrouper avec tout un soin adorable et travaillé. Il en devenait jaloux. Alors, il s'isolait encore plus, se parlant à lui-même dans un langage étrange ou se cachant les yeux avec ses énormes mains pour oublier la réalité.
Mais un jour, tout le petit rythme d'Omega fut chamboulé par l'arrivée massive d'étrangers. Et c'est alors que La Chose se décida d'approcher ces hommes et femmes, porteurs de nouveauté et peut-être même différents des autres.
Sam 22 Déc - 6:38