L'imminente déchéance de son éminence

L’homme en noir avait sombré. Le maître d’Omega Nuke que rien ni personne ne semblait pouvoir atteindre avait finit par chuter et cette chute il avait toute les peines du monde à s’en relever… Allongé sur son lit, il tremblait de rage ou de froid. Son visage n’était plus qu’un rictus de haine, d’énormes gouttes de sueurs coulaient en abondance sur son visage et ses yeux mouillés par les larmes était également inondé de colère et de frustration. Il proférait des propos incohérent tout en frappant les airs comme pour chasser quelques mauvais esprits imaginaires…

Qu’était t’il donc arriver à l’Eminent Docteur Stauker pour qu’il finisse dans cet état ?
Pour le comprendre il fallait probablement revenir un peu en arrière…

Tout avait commencé par l’infâme trahison de Lune de Miel et la mort d’Audrey Auburn.
Premier coup de couteau dans le dos du Docteur et qui avait laissé une blessure profonde dans son cœur meurtri. Lui qui ne laissait jamais transparaitre aucun sentiment avait soudainement plongé dans une profonde et intense mélancolie ; comme si la douleur et la souffrance étaient les seules émotions qui pouvaient encore lui conférer une once d’humanité.
Perde ses principaux alliés de cette façon était bien entendu un drame mais il n’était pas les seuls aux yeux du Docteur.
Il avait également perdu Audrey Auburn. Cette femme délicieuse qui n’était encore qu’une jeune enfant était tellement malléable. Il l’avait manipulé, usant de ses talents oratoires pour charmer cette jeune crédule tout en ne perdant jamais de vue les grandes qualités intellectuelles et charnelles d’Audrey. Il avait réussi à la convaincre de venir à Omega pour qu’elle devienne sa maîtresse.
Et en un instant on lui avait brisé son jouet, l’objet de toutes ses satisfactions et de toutes ses envies.

La dépression l’avait alors gagné, s’emparant de tout son être et de toute son âme. Bien sur il l’avait camouflé, bien entendu il avait essayé de garder la face devant sa population, art subtile ou il était depuis longtemps passé maître. Car il avait sa fierté et refusait catégoriquement de s’abandonner à la tristesse comme la première créature venue.
Mais comment remonter la pente lorsque tout vous pousse vers le fond du trou ?
Difficile de s’accrocher à ses rêves de civilisation ordonnées et juste lorsqu’il voyait le nombre de créatures aussi stupides que belliqueuses en constante augmentation, lorsqu’il remarquait que le désordre s’insinuait même parmi sa propre population… Le désespoir s’emparait de lui et la chute de Luudion dernière cité avec la sienne à défendre de nobles idéaux ne l’avait vraiment pas aidé à se remettre. Au contraire ça avait été le véritable point de départ de sa descente aux enfers.
Il s’était alors enfermé dans son propre bureau, refusant catégoriquement d’en sortir et s’était plongé dans ses travaux, ses recherches, ne levant les yeux de ses éprouvettes que pour hurler au ciel sa rage et sa frustration. Il était tellement accaparé par ses études qu’il en oubliait même de s’alimenter, préférant s’abrutir de travail pour oublier son propre malheur. Il restait parfois plus de 20 heures de suite éveillé à faire des tests de synthétisations et d’autres expériences étonnantes en consignant méthodiquement l’ensemble de ses avancés dans son précieux carnet et s’assurant de toujours faire parvenir les résultats à son groupe de production afin que celui-ci puisse profiter de ses recherches.
Le fait est qu’il renvoyait presque toujours les plateaux d’Estrella sans y avoir touché, qu’il ne sortait plus et refusait de se tenir au courant de la géopolitique ou de ce qui se passait dans la ville. Personne n’était capable de savoir si c’était volontaire ou pas et de toute façon personne n’était là pour s’en rendre compte.
Seul, son confrère le Docteur StrangeLove était témoin de la déchéance qui s’emparait de son ami. L’homme au fauteuil roulant était l’une des dernières personnes que l’éminent Docteur acceptait de voir. Ce dernier avait de plus en plus de mal à cacher son inquiétude devant l’état de son collège. En effet les mauvais traitements qu’il infligeait à son propre corps combinés à la brusque chute de température ne tardèrent pas à avoir des conséquences dramatiques sur Vlad Stauker qui tomba gravement malade.
Prostré sur son lit, cloué sur place par une fièvre que les bons soins de StrangeLove n’arrivait pas à faire baisser, Stauker dans ses moments de lucidités qui devenait de plus en plus rare passa le commandement d’Omega Nuke à celui qui se battait chaque jour pour lui sauver la vie. On pouvait véritablement parler de combat puisque le Docteur Stauker orgueilleux au possible même sur son lit de mort, refusait de prendre les traitements de StrangeLove. La plupart du temps la fièvre le faisait affreusement délirer et il se mettait alors dans des colères noires ou il insultait copieusement son ami mais aussi un tas d’autres gens qu’il avait plus ou moins connu. Il lui arrivait parfois de retrouver un peu l’esprit mais ces moments de lucidités était de plus en plus rare. Il avait pourtant conscience de son état et ne supportait pas ce qu’il était devenu aussi éphémère que des papillons.
Cette image de faiblesse que lui renvoyait sans cesse les yeux compatissants du Docteur StrangeLove il ne la supportait plus. Il fut surpris de se retrouver un soir, en pleine nuit en train de rédiger ses dernières volontés. Les spasmes de sa main et les tremblements de son corps ne l’aidait pas à améliorer son écriture déjà très difficile.

C’est pourtant ce message qu’il faudra déchiffrer pour celui qui demain trouvera le corps inerte du Docteur Stauker allongé sur son lit, dans son bureau :

« Dernier Message de son Eminence au monde !

Je n’aurais qu’une volonté : Que celui qui trouve ce message en fasse une lecture publique au moins à l’ensemble des citoyens…
Merci !

J’ai eut un rêve… Et je l’ai brisé…

Finir comme le dernier des moins que rien m’est insupportable ! Je le sens cette fois c’est la conclusion qui s’approche. J’écris ces lignes et pendant que l’encre s’écoule difficilement sur le papier, la vie facilement m’abandonne et quitte mon corps définitivement…
Mourir comme un chien sur cette couche ne m’amuse pas.
Pourtant l’idée de quitter enfin cette terre maudite peuplé de créatures sauvages me fait presque sourire.
Il faut que le peuple d ‘Omega Nuke sache que je l’abandonne à son triste sort, que je le laisse à la merci des hyènes de ce désert et que je n’en voudrais à personne si on crache sur mon cadavre …
Malgré tout j’espère qu’avec son courage et sa détermination il réussira à s’en sortir certains ici méritent de survivre…

Je ne mérite aucun hommage particulier, aucune sépulture spécifique, juste qu’on garde le souvenir d’un homme qui aura voulu changer les choses et non pas les empirer comme la majorité… Tâche trop ardue ou incompétence de ma part, je vous laisse seuls juge pour répondre à cette question…
Un jour peut être les gens de ce désert comprendront ce que j’ai voulu faire, il sera probablement trop tard, il l’est déjà surement. L’humanité a sombré dans la folie et je fais parti du naufrage. Tout cela est bien triste, mais désormais ce n’est plus mon affaire, je laisse le fardeau du redressement à mes successeurs si il y en a et je leur souhaite bon courage !

Il est temps pour moi de me reposer…

J’emmerde ceux qui me traiteront de lâche ! Même si d’une certaine façon je ne peux pas dire qu’ils auront tord…

VLAD STAUKER »

Nombre de messages : 342 Date d'inscription : 12/02/2007

Depuis des jours, Estrella n'essayait même pas de savoir ce qui se passait dans le bureau du Docteur. Elle ouvrait toujours la porte, les yeux au sol, retirait l'ancienne assiette pour reposer la nouvelle. Mais elle ne regardait nul part, par peur. Par discrétion. Par politesse. Par tristesse. Elle essayait de ne plus penser à cet homme. Elle ne savait pas ce qu'il lui arrivait, et elle ne voulait pas savoir.

Mais aujourd'hui, juste aujourd'hui, ses habitudes allaient changer, pour frapper son âme, d'un nouveau coup. Mais pourquoi ? Pourquoi ce serait elle intéressée à Stauker ? Revenons en arrière...

C'était vers la 10éme lune après le crash. Estrella avait quittée le campement de Os de Viper, aux côtés d'Elekase et de Tuuluuwaq. Après une très difficile traversé, Omega Nuke s'offrit à ses yeux malades et fatigués. Elle ne pouvait le croire : des Hommes avaient réussi à reconstruire un semblant de civilisation dans ce désert chaotique. Mais autre chose allait bouleverser son existence depuis peu libérée de la schizophrénie, du moins en apparence. Après son arrivé, aux côtés de Jason, un homme allait les accueillir : sa redingote noire, son chapeau haut de forme, sa voix glaciale, son teint pâle, un âge dépassant de vingt ans celui d'Estrella. Le docteur n'avait rien d'exceptionnelle, ni d'attirant pour une jeune femme comme Estrella. Mais rien n'était dans le physique. Elle l'avait entendu parler, discourir, convaincre, et elle ne put résister. Elle n'a jamais sût pourquoi lui. Bien d'autres hommes de la communauté étaient bien mieux, mais non, c'était le plus intelligent, le plus mystérieux, et sans doutes le plus fou, qui avait conquit son coeur, et malgré elle.

Des lunes et des lunes durantes, elle avait caché ses sentiments, et le fantôme de son amour, la poursuivait encore. Mais le docteur était plus. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était se faire remarquer, par tous les moyens. D'abord par critiquer sa politique, puis le sauver d'une mort certaine, et finalement, lui préparer des plats, que seul lui avait le droit d'avoir. Mais rien à faire, il restait toujours de marbre, et pareil à la glace. Alors, elle essaya de l'oublier, de raisonner, mais c'était impossible. Elle s'efforça de l'ignorer un maximum.

Il faisait froid, très froid. Même Estrella commençait à frissonner. Mais elle avait chaud au coeur, elle allait libérer sa flamme. Même sachant que son feu aurait été irrémédiablement éteint par une voix de glace, elle allait le faire. Alors, un nouveau plat à la main, elle se dirigea vers le bureau, marchant sur la neige légère. Sa démarche pleine d'allégresse et de candeur, se détachait du paysage d'un blanc et d'un gris malheureux.
C'était de la joie qui brûlait en son coeur.
Alors frappant légèrement la porte, et sans attendre de réponse ouvrit, et reprit, l'espace d'un instant, sa routine habituelle. Mais quand elle voulait retirer l'assiette du matin, sa surprise, mêlée d'un sursaut au ventre, intervint en voyant cette assiette : pleine et froide. Déjà son coeur ne respirait plus joie, mais inquiétude. Alors, dans un effort extraordinaire, elle leva la tête. Et son esprit s'effondra.

Le corps inerte du Docteur, gisait sur le lit de fortune de ce bureau noir. Sa taille, de tout son long, emplissait la paillasse. Ses yeux étaient fermé, et sa mains pendante, tenait un bout de papier à la main. Son visage, emplit de gouttelettes de sueur froides, était plus blafard que d'ordinaire. Estrella ne bougeait plus, au moment où elle vit le corps, elle lâcha son assiette. Et restait pétrifiée. Il fallut attendre prés de dix minutes, pour qu'Estrella retrouve ses esprits.

Alors, son corps, tremblant, avança vers ce qui fût un homme. Sa démarche était lourde, lente, et fébrile. Son esprit était vide, son regard, aussi. Elle pencha son buste, prit le message, et lit. Trois fois, quatre fois, cinq fois...
Alors sans bruit, elle sortir, doucement de la salle, les yeux vides, l'esprit creux. Ferma la porte, et sur la neige : s'écroula. Le message à la main, face vers le ciel, son corps pétrifié, la bouche fermée.

Nombre de messages : 342 Date d'inscription : 12/02/2007

Le froid rongeait sa peau. Et l'image du docteur, lui rongeait l'âme.
Son coeur ne disait plus rien, il était muet, n'avait plus de sentiments.
Combien de temps était-elle resté effondrée à même la neige ? Combien d'heures sont esprit avait t'il divagué ? Mais elle fini par retrouver une partie de sa tête. Et nombres de sombres questions parcoururent son crâne.

-Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?... Papa, Maman, Raphaël, Vicky, Vald... Tous... Aimés... Morts. J'aime...Ils meurent. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Une folie faisait écho en elle. Mais qui ? Dorn ? Non. Elle avait disparu. Une voix résonnait dans son esprit meurtri. Des paroles incompréhensibles, inaudibles, mais fortes. Frappant ses souvenirs et son âme, oppressant son coeur et sa raison.

Dans sa main elle continuait à tenir la feuille. Ses mains tremblaient, mais n'avaient pas froid. Des larmes coulaient sur ses joues glacés. La voix avait disparue, elle avait retrouvée tous ses esprits. Et ce fût le pire. Elle prit entièrement conscience de l'événement, et les quelques larmes, se transformèrent en un flot de pleures.
De son coeur émanait le désespoir.
Elle s'assit devant la porte, ne pensant même pas à ce qu'il s'y trouvait à l'intérieur. Sa mémoire avait presque entièrement effacée le moment où elle fût rentrée, et où elle en sortie. Mais seule la vision d'effroi du corps sans vie du docteur, trottait douloureusement dans sa tête.
D'autres longues minutes passèrent pendant lesquelles Estrella pleurait longuement, et douloureusement. Et vint un moment où elle se calma, et commença à raisonner calmement :

-Qu'à t'il fait ? Pourquoi nous abandonner ? Il n'a pas pu ! Il nous abandonne ! LÂCHE !

Elle repensa à l'homme mort. Son visage blanchâtre, ses habits sales et noirs, son allure pathétique. Il les avait lâché en cours de route. Ou plutôt disons, que lui s'était arrêté en cours de route. Tous avançaient vers un horizon lointain, où la vie est douce et où l'avenir est prometteur, et Vlad STAUKER, avait abandonné ce rêve, pour resté en enfer.
Son coeur n'était que haine, colère et vengeance.

Elle essaya de se lever. Mais elle s'effondra à terre : ses forces étaient parti. Alors, pour se donner le courage de se lever, pour montrer à tous la trahison de l'homme qui devait les conduire vers la paix, celui qui les avait fait rêver, et qui finalement, les avait laisser. Alors, elle relisa la lettre. Mais cette lecture, eut raison de sa colère. Et de nouveau, elle pleura. Mais continua à maudire, sans trop de conviction, l'homme qui les avait tous manipulé, puis jeté.

A quoi bon ? Pour quoi continuer de se battre, de bâtir un nouveau monde, alors que celui qui avait prit la tête de cette folle idée, avait fini d'y croire, définitivement. Pour quoi souffrir pour une cause perdu ? Pour quoi se blesser à élever un Ordre dont les fondations s'écrouleraient ? Pour quoi continuer à vivre ? Oui. Estrella savait les raisons qui avaient poussé un homme tel que Vlad Stauker, à en finir : tout était perdu d'avance.
Alors elle s'allongea se le sol froid, et attendit. Attendit de savoir où étaient allé tous celles et ceux qu'elle avaient aimé. Connaître ce qu'on appelait "le repos éternelle"

Son coeur était vide, son esprit éteint, son âme envolée.

Invité

Une croix avait été plantée dans le sol de la ville. Un peu à l'écart des bâtiments dans un endroit où à la belle saison, les fleurs sauvages tentaient de repousser par touffes et où Stauker aimait à venir flâner en quête de simples et de remédes diverses.
La croix est sobre comme pouvez l'être l'homme. Point besoin d'épitaphes ou encore d'inscription : ultime mais simple hommage d'un homme à un autre.
Sous la neige, Saint Josse prie pour l'âme de celui qui ne croyait pas et espère que Dieu dans son infini mansuétude lui ouvre les portes de la rédemption. Après tout , n'avait il pas oeuvré à sa façon pour sa grandeur lui aussi ? Quels démons avaient oeuvré à la chute de cet homme qui voyait plus loin que ses pairs ? Pourquoi n'avait il pas fait montre de plus de violence dans son combat contre la maldaie alors qu'il etait réputé pour sa pugnacité ? Trop de questions sans réponses qui causait plus de peine encore à celui qui venait de perdre un "égal".
Avec cette mort, c'est Omega nuke qui disparait, rongée par la bêtise et l'ignorance pensa le noble qui ruminait de bien sombres pensées depuis son eviction au poste de diplomate. La neige se transformait doucement en pluie et Saint Josse decida de rentrer à son atelier.

Nombre de messages : 342 Date d'inscription : 12/02/2007

Estrella, après avoir dormi dans le froid, après qu'elle eut recollée les morceaux de sa raison, après avoir pleurée le traître qu'elle aimait, elle avait fait ce que personne ne vit faire.

Dans le vent glacial, le lendemain de la mort de Vlad, Estrella alla donner à un homme, de quoi reposer en paix, où qu'il soit. Et c'est non sans mal, qu'elle arriva au bureau, désormais inquiétant, horrible, repoussant. Elle n'avait pas trouvée le lieu où reposerait l'homme quelle avait aimée, mais comme elle se disait souvent "La fortune sourie aux audacieux". Alors, surmontant peur, angoisse, répugnance et fatigue, la femme grelottant d'un froid extrême, entra dans la chambre mortuaire du fondateur d'Omega Nuke. Le corps était toujours là : plus blanc que jamais, les yeux clos, et une expression de haine, de dégoût, sur se visage. La décomposition n'avait pas encore eu lieu, il faisait bien trop froid pour cela. Alors, Estrella prit les deux manches de la redingote noire, et tira le mort, jusqu'à la sortie. Là, où un engin bricolé ressemblant à une brouette, attendait. Et une fois la masse blanchâtre et noire, dans le chariot de bois et de cordes, la fossoyeuse d'un jour, alla enterrer celui qu'elle se jura d'être le dernier à prendre son coeur. Mais les promesses à soit mêmes, ne sont jamais dignes de confiance.

Durant des heures durantes, une bien sombre et macabre marche eut lieu dans le désert devenu blanc comme la mort. Un mort à l'avant, une âme meurtrie à l'arrière, poussant son sinistre fardeau. Toujours plus loin, toujours plus froid. Et soudain, au pied d'une dune de neige, le cortège funèbre s'arrêta. Et Estrella déposa ses bagages de mort. Retira une pelle de sous le corps, s'éloigna de quelques mètres, puis sous un gros rocher rouge, tel une goutte de sang parmi un draps immaculé, elle creusa, besogna, trima, s'acharna. Et enfin, au bout de moins d'une heure, un modeste trou, d'une cinquantaine de centimètres sur deux mètres, fût creusé dans la neige et le sable froid. Alors, Estrella retourna vers ce qui était un grand homme, d'un pas lent, avec un visage dénué de sentiments. Elle reprit son chargement macabre, et l'emmena vers son ultime destination.

Quelques mètres. Elle s'arrête, fait basculer le chariot, le corps tombe sur le côté du trou, face vers le ciel, regardant de ses yeux morts un ciel nuageux et triste. Estrella hésite. Elle hésite rendre un hommage à l'homme qu'il était. Elle réfléchie. Mais non. Il a peut être donné une partie de sa vie à amener des âmes meurtries, vers une utopie magnifique. Mais il a aussi lâchement abandonné ceux qui lui avaient jurés fidélité. Alors non. Avec son pied, la femme envoie ce pathétique corps froid, vers la terre gelée. Le corps chute, et reste inerte, tournant le dos au ciel, comme par honte. Immobile dans sa mort, silencieux dans sa tombe, malheureux dans ce monde.

Estrella pose le regard sur la forme noire gisant dans l'ombre. Elle prend en main le chapeau, et le jette par dépit dans le trou. Et marmonne au traître qui par la mort, entraîne un rêve, un ville, et des Hommes, vers un avenir obscur et parsemé de mort.

-Tu n'es que poussière, tu créé la poussière et tu retourneras à la poussière.

La pelle, restée planté dans le sable froid et humide, est soudainement agrippé, et pelletés par pelletés, la tombe se remplit. Enfouissant une utopie, et un espoir. Tout se fait dans le plus profond silence, et sans aucun sentiments. Seuls les bruits étouffés du sable. Vingts-minutes passent, pas de dalle de marbre, pas de croix, pas de stèle. Juste du sable et une femme. Estrella remet la pelle dans la brouette, et retourne vers la communauté. Laissant derrière elle, douleur, tristesse, amertume et colère.

Elle se l'était jurée, seule elle connaîtrait le lieu où reposait Vlad Stauker, seule elle serait ce qu'il était advenue de lui. Et seule, elle aurait la garde, du journal de cuir noir, retiré à son cadavre, quelques heures auparavant. Un journal de cuir noir, reflétant la personnalité de Vlad Stauker : simple et sombre à l'extérieur, tortueux, complexe et, parfois, magnifique, à l'intérieur.

Nombre de messages : 134 Age : 32 Date d'inscription : 12/02/2007

Le manque de nouvelles de Vlad Stauker pourtant ardamment demandées par Tuuluuwaq, ainsi que des rêves prémonitoires l'avaient averti de sa disparition...

Elle avait eu la chance de croiser le chemin des Luudoniens en déroute et avait donné à Leäna un objet à remettre à Vlad, ou du moins sur sa tombe si elle arrivait trop tard... une petite statuette... un objet sensé veiller sur le repos de son âme...

HRP: n'hésitez pas à demander à Leäna l'objet, afin de rendre le RP cohérent!

Nombre de messages : 342 Date d'inscription : 12/02/2007

========PLUS DE CENT DE LUNES DE PLUS TARD======

L'été se finit, sous la fraîcheur de la brise automnale qui porte dans ses folles farandoles, les premières feuilles desséchées et avec elles, un été de plus, s'en allant comme il était arrivé : sous une douce brise, et sous un fin rideau de brume. Ce soir là, le paysage pouvait faire oublier de par sa poésie, la dureté du monde détruit : le Soleil, caché derrière les montagnes de l'est, offrait encore une lumière rayé de régulières brisures rouges et jaunes, les nuages étaient alignés et faisait face à l'astre masqué, tous rangés, tout comme les quelques oiseaux qui tournoyait dans le ciel sans mélodie dans leur vol, ils étaient rangés, et battaient lentement de leurs ailes noir à la même cadence. La saison estivale, celle si redoutée, s'en allait, sous forme de multiples souvenirs, emportés loin par les vents.

Estrella marchait, les yeux absorbés par la lecture de son épais journal. Depuis l'arrivée de l'Acide Nucléik, elle était restée d'une improbable discrétion, se contentant de présenter un faible encadrement aux différents évènements et de les noter sur son carnet avec une méticuleuse précision. Peut être, ou plutôt sans doute, était-ce le fait qu'elle avait reçu cet ordre, de resté neutre, mais aussi était-ce cet inconnu travail qui l'occupait. Chaque soir, elle revenait le dos courbé par l'effort, les vêtements terreux et la figure crasseuse, aspect inhabituellement étrange pour Estrella, cette emblème de la droiture et de la froideur. Le feu ocre de ses yeux s'attisait, et se faisait plus brasier que lueur. Les vents se chargeaient du passé, tandis que Estrella, s'efforçait de les retrouver, ces souvenirs par tous oubliés.

Nombre de messages : 342 Date d'inscription : 12/02/2007

Estrella, la pelle dans une main, le journal dans l'autre, marchait vers le sud. Ses pas étaient réguliers et tranquilles, parfois elle lançait quelques regards aux alentours, comparant les indices du paysages au texte du journal, ses propres indications dont elle n'avait nul souvenirs. Elle savait ce qu'elle cherchait, sans savoir ce qu'elle allait trouver.

-Tout sera enterré.

Voilà, ce qui était marqué d'une écriture débile et tremblante, noté de la main d'une jeune femme détruite après la mort d'un espoir et d'une utopie, d'une frêle créature qui avait prit le décision d'enfouir dans son esprit et dans la terre, le secret de la déchéance de Vlad Stauker.
Omega Nuke commençait à disparaître sous une masse de nuit et à s'engloutir derrière un horizon voilé de sombre lumière lunaire. Les premières dunes s'élevaient en déchirant le sol, lieu d'une incessante guerre entre la verdoyance de l'herbe et l'enfer du sable. Estrella, à la faveur de la lune, parcourut une dernière fois les indications, observa les alentours, puis rangea soigneusement son précieux ouvrage, et se mit à creuser, vers un passé, vers une réalité qu'elle avait autrefois caché.
Un moment passa, l'astre rond et plein s'éleva dans la voûte. Le vent perdit en intensité, ayant presque fini de chasser le souvenir de l'été ; et quand Estrella eut avec son outil, touché quelque chose de dur, le souffle s'arrêta. Elle agrandit le trou, et éclairé par cette lumière pâle et brisée par des rayons de nuit, elle regarda ce qu'elle venait de dégager. C'était un antique squelette, dormant sous sable depuis plus de cent lunes, le mort était entièrement vêtu de noir et portait une étrange redingote et un chapeau : Vlad Stauker. Estrella regarda, d'un air impassible, cette légende gisante. Quelques souvenirs s'éclairèrent dans son esprit, quant à la manière dont l'éminent fondateur d'Omega Nuke s'était retrouvé oublié dans une tombe anonyme. Elle se baissa, et ramassa une feuille jaunit qui recouvrait le crâne du squelette, puis, l'air toujours si froid, elle lut grâce à la lune, ce vieux message oublié. Une très vive lumière s'éclaira dans ses yeux ocres et une expression de terreur déchira sa figure, mais, porté par une force supérieur à tout sentiments, Estrella reprit son attitude neutre pour se mettre à réfléchir.

-Vlad Stauker n'est jamais mort, marmonna-elle. Vlad Stauker n'a jamais perdu espoir. Nous sommes tous Vlad Stauker, et son Ordre s'accompli, comme il l'avait prédis.

Puis, elle jeta la lettre interdite dans le trou. Et, caressée par la lumière de la Lune, elle s'en alla laissant derrière elle un secret défendu. Et plus Estrella s'éloigna, plus un fort vent du sud prenait en intensité, et par sa force, la dune surplombant la tombe commençait à se déplacer, pour recouvrir de toute sa masse : un passé désormais effacé.