Vodka Redbull

Aaron avait tracé la route jusque la. Pas de question, pas d’hésitation. Cette occasion il l’attendait depuis longtemps. Et depuis longtemps il n’avait plus ressenti cette excitation propre aux derniers instants avant un combat. Il bouillonnait, impatient et téméraire. Le temps n’avait pas émaillé son caractère de guerrier.
Arrivé au dernier relais, l’écorcheur réalisa l’importance de ce moment. Les derniers instants de calme avant la tempête, seul au milieu du désert. Tout le monde en profitait pour marcher un peu alors qu’il préparait les boissons. Sans le savoir, il avait réinventé un fameux cocktail, le « vodka Redbull », la boisson énergisante mélangée à l’alcool leur donnerait du courage et de la force. Mais ce n’était pas suffisant, Aaron se rappelait de ces toasts que les amiraux portaient sur leurs navires de guerre. Ils avaient commandé des centaines d’hommes…En chef, Aaron devait partager le feu qui l’animait avec chacun de ses compagnons. Il distribua les boissons, croisant chacun des siens. Une tape sur l’épaule de Shazam, le plus grand guerrier du désert et un frère pour lui. Un sourire à Selene, nouvelle recrue qu’il appréciait particulièrement. Une bouffée de confiance dans le regard des plus vieux écorcheurs…Finalement il alla se placer face à eux, dans la lumière des phares. Un large sourire prit forme sur son visage.

-Les amis ! C’est l’grand moment. C’lui qu’on attend depuis longtemps. Aujourd’hui on va se battre avec ces Sénobytes ! Ils ont tué des amis, ils se sont foutus d’nous, ils s’sont pris pour des rois ! On va leur faire payer ! Leur mettre l’enfer ! Ils vont goûter à la mort et voir l’plus gros déluge de feu d’leur vie ! On va les couper en deux ! Leur arracher les yeux ! Y en aura pas un qui sortira indemne ! Ils auront plus rien dans la tête qu’la souffrance et la peur !

Il fit une petite pause dans son discours qui s’était enflammé.

-Aujourd’hui c’est notre jour ! Rien nous arrêtera ! Pas même la mort ! Car si je meurs ! Je meurs à vos cotés ! Et JE MEURS AVEC CES PUTAIN D’SENO ! Y EN AURA PAS MOINS D’DIX À MES PIEDS !

Le point d’Aaron s’était levé, de son autre main il leva la canette et reprit un peu de souffle.

-A la mort des Sénobytes !

Il porta la boisson à sa bouche et la vida d’une traite avant d’abandonner le récipient au désert. Il sourit à nouveau à la troupe pour finalement embarquer dans la traction.

Raven Darkholmes


Raven avait écoutée Aaron parler sans même l’entendre, comme enveloppée d’un épais brouillard de haine et de mort, hermétique à ses compagnons, à leurs espoirs, à leur impatience et à leur excitation.

Miroir de ses froides pensées, le démon de son âme semblait danser la gigue dans les flammèches ambrées de son regard. Enfin elle allait répandre la Mort, enfin elle allait déverser un torrent de feu sur le plus grand fléau de ce monde… les humains…

Dommage que les Sénobites soient de cette race d’hommes qu’elle haïssait le moins, ils avaient nourrit son rêve plus que quiconque dans ce détestable désert, pillant, massacrant et étripant la plupart des rats bipédes qu’ils croisaient…

Oui, les Sénobites étaient un groupe avec qui elle aurait pu s’entendre à merveille, mais ils étaient aussi un ramassis de Sapiens dont il faudrait un jour ce débarrasser.
Elle avait fait le choix des Ecorcheurs, les dés en étaient donc jetés…

Elle vérifia son arme pour la dernière fois et avala la mixture qu’on lui proposait avant de laisser échapper en un souffle quelques mots à peine audibles.

Why not today... It’s a good day to die…

Eirikur


Malgré les fanfaronnades, en dépit de la détermination affichée, il sentait la peur poindre. L’anxiété rongeait les passagers, chargeait l’air confiné des véhicules cahotants. Chacun vérifiait convulsivement l’état de son arme. Inspectait nerveusement son canon. Recomptait religieusement le contenu de sa cartouchière. Murmurait, studieusement, les plans de batailles vaguement évoqués lors d’un pathétique briefing.
Parasites sapiens. Ils érigeaient la guerre en science, comme pour se dédouaner de leur animalité. Tout n’était qu’hypocrisie. Presser une gâchette est la chose la plus facile qui soit. Ouvrir une panse est à la portée de n’importe quel imbécile sachant manier le surin.

Eirikur n’avait jamais aimé les trajets motorisés avec le Ramdam Records. Trop exigu, trop bruyant. Or, cette nuit, les banquettes vermoulues étaient spacieuses et les passagers mutiques.
Aubaine. Il put librement contempler, de son œil clairvoyant, la beauté du monde renaissant. Les immenses étendues de morne désert, égayés de tanins volubiles, d’étoiles blanches de pancratium. Ca et là, de grands pommiers de Sodome défiaient sécheresse et gel. Puis il y eu les rachitiques forêts de bouleaux nains anémiés, les brumeux marais méphitiques, où bourdonnaient des nuées de taons. De vastes plaines, lugubres dans leurs habits de nuit. L’herbe desséchée crépitait sous les pneus en un long râle plaintif, quelques animaux à demi-morts fuyaient la lueur blême de phares vétustes.

Alors que la mécanique tremblotante approchait du lieu de l’assaut, les phares s’éteignirent. Un chuchotement inquiet rompit les rêveries contemplatives du mutant.
« On fait comme on a dit ».
Dégénérés. Fades résidus viciés d’une erreur de Gaïa. Ils s’accrochaient à leur organisation comme à une bouée salvatrice. Si ces faibles esprits avaient eu un peu de discernement, ils auraient compris qu’en la matière, aucun programme ne tient. Lorsque le combat grise, seul le cerveau reptilien commande. Ordonne de tuer. Dans un chaos infâme, dans un élan absurde, ils allaient se ruer sur l’altérité hostile. Sans prudence, sans retenue, ils allaient ouvrir les ventres, sectionner les membres, charcuter les visages. Mettre les organes sirupeux au jour, toucher les fonds osseux des orbites pour en extraire des globes sanglants. Cribler les chairs d’éclats et de balles, faire jaillir le sang, suinter la lymphe, ruisseler la bile. Et c’était bien ainsi.

Soledad


Le Squat, à l'aube d'une journée qui ne se terminerait jamais.

Ce matin là, les dernières gerçures de l'hiver qui avaient martyrisé la terre infertile en un crescendo infernal se retrouvaient elles aussi à l'agonie. Une fin de cycle irrémédiable que tout le monde attendait fébrilement, sans vraiment se le dire. Une vieille anecdote, dissimulée sous des monceaux de grêles, qui finirait tôt ou tard par se muer en outrage implacable sous le joug doré d'un soleil menaçant.

Les quelques piaillements des oiseaux indécis annonçaient le retour des beaux jours. Sous une couche épaisse de couvertures maculées de crasse, une trentenaire fatiguée contemplait paisiblement la sueur âcre d'un ultime amant ruisseler contre son propre corps.

Alors qu'elle était sur le point de trouver à son tour un sommeil bien mérité, l'organisme apaisé par une sensationnelle nuit d'amour sans embarras, quelqu'un frappa comme un sourd contre la petite porte de bois vacillante. Elle laissa faire un moment, la peau trop heureuse d'être collée contre le torse de son divin cow-boy, une main fermement agrippée au flanc de ce tueur invétéré qu'elle ne voulait quitter pour rien au monde.

Les martèlements frénétiques, hélas, ne cessèrent guère leur ballet redondant et, de peur que ce tapage ne prenne encore un peu plus d'ampleur, la jeune femme finit par se lever, le coeur lourd à l'idée de cette séparation trop précoce.

La moule accrochée à son indéfectible rocher se fit une raison. Encore nue, Soledad entrouvrit doucement la porte et vit la face grimaçante de Greum-Greum l'apostropher bruyamment, essuyant au passage quelques millilitres de bave gluante qui suintaient par petits paquets de son gigantesque orifice buccal. Son tour de garde devait prendre cours au plus tôt. Elle remercia la monstruosité de poils, lui offrant après quelques douces paroles un sourire entendu, et se décida enfin à se vêtir convenablement. La chose faîte, la Lumineuse attrapa son M79 et le fixa dans la sangle adéquate, le long de son pantalon de toile kaki, avant de se saisir du fusil sniper, placé en bandoulière contre son côté gauche.

Elle eut un dernier regard pour l'homme endormi et soupira tout son content avant d'empoigner son sac Eastpack. Soledad n'osa pas lui offrir un dernier baiser, de peur d'être à nouveau tentée par l'enivrant plaisir de la chair.

Une fois dehors, la faible brise matinale la fit un instant greloter. Les rues étaient désertes, les Squatteurs et leurs acolytes Sénobytes devaient eux aussi se trouver dans les bras voluptueux de Morphée. Les yeux tournés vers les timides éclaircies de l'Orient, Soledad se mit à fredonner inconsciemment sa comptine préférée, tout de même ravie à l'idée de passer une autre journée de labeur dans une communauté qu'elle commençait à apprécier particulièrement.

J'aime la vodka, l'héroïne, le chocolaaat...

Une centaine de mètres la séparait du sinistre mirador qui surplombait la communauté. Elle flâna un moment entre les habitations de fortune, percutant ça et là divers bouteilles d'alcool et quelques seringues vides, pour enfin poser son sac contre un des bâtiments de travail.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à grimper le long de l'échelle de l'observatoire pour prendre place et tirer quelques heures durant sur d'hypothétiques charognards faméliques, une agitation quelconque, d'abord indistincte, mit tout ses sens en alerte. Le vrombissement rageur des automobiles gavées d'essence se fit bientôt tonitruant. La belle jeta un regard d'effroi en direction du garage, toujours ouvert depuis que la rumeur d'une « menace Ecorcheur » planait sur la petite communauté. Le 4*4 et le Berliet étaient toujours en place. La mine blême, les mains ne pouvant s'empêcher de trembler, elle se dirigea en courant vers un épais mur couverts de tags tout en maudissant sur plusieurs générations l'homme qui avait choisi cette matinée pour lui attribuer le tour de garde. Prenant son courage à deux mains, elle entreprit de jeter un oeil sur le côté gauche du mur. Le Squat était un vrai gruyère urbain. Même si les individus devaient obligatoirement se faire connaître depuis les gigantesques portes principales sous peine d'être tirés à vue par un garde de la vigie, un groupe alerte et, de surcroît, armé jusqu'aux dents, pouvait très bien se faufiler entre les interstices des murs pour semer la terreur en ville. Une puissante rafale de balles coupa court à son observation. Soledad eut à peine le temps de considérer plus à même l'un des véhicules qui fonçaient à toute berzingue vers sa position. La singulière image d'un colosse d'ébène, extirpant son impressionnante carrure de l'habitacle pour cracher aussitôt une pluie de projectiles meurtriers en direction de la jeune femme plana longuement dans les méandres de son esprit. Elle se plaqua au mur et se laissa lentement glisser le long de la paroi, à demi surprise d'être relativement saine et sauve. Les tirs, de plus en plus violents, arrachaient de grosses gerbes de bétons à sa protection de fortune. Un peu plus loin, une éclatante explosion lui indiqua que le deuxième véhicule avait déjà franchi l'entrée principale du Squat. C'était perdu d'avance, ils ne tarderaient sans doute pas à la submerger. Dans le vacarme confus du combat à un sens, elle se trouva bien vaine de n'avoir pu alerter ses compagnons plus tôt. Elle jeta un coup d'oeil au sac Eastpack qui trônait encore sur le sol, bien trop loin pour qu'elle puisse l'atteindre et enfin soulager ses derniers instants. La mort par overdose lui aurait au moins permis d'oublier la sombre réalité qui s'abattait sournoisement sur le coin de sa jolie gueule d'ange... Désespoir et impuissance se mêlèrent à l'adrénaline des derniers instants...


Le M79 en main, elle avisa la seule grenade qu'elle possédait avant d'entamer ses prières. A des années lumières de la Lumière, elle murmura mécaniquement ce que répétait chaque fois le vieux Mat' avant qu'elle ne s'endorme, les soirs bénis de son enfance à présent révolue...

Je vous salue, Marie pleine de grâces, le Seigneur est avec vous.

Le bras armé par la fatalité, elle s'affala par terre, dos contre le sol, et appuya sur la gachette, l'arme pointée au dessus de son Mur de Jericho.

Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.

La petite boule fumante traversa le ciel et disparut en un éclair. La poudre cessa de parler un instant. Le fumigène devait faire effet. Quelques volutes de fumée lui indiquèrent que la grenade avait fonctionné. Une bien maigre victoire.

Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.

Ricanements sinistres, reprise des tirs et retour à l'envoyeur. Les pupilles gorgées de larme, Soledad vit sa propre grenade lui revenir. Elle crachota un instant de minuscules bouffées rougeoyantes avant de s'éteindre pour toujours.


La gorge nouée de rage, elle rejeta violemment son lance-grenade. Des pans entiers du mur s'écroulaient. Ses salauds devaient tout de même payer, ILS ne se battaient pas à armes égales. ILS étaient revenus l'emmener sous terre. Mais cette fois ci, rien ne serait plus pareil. Elle ne retournerait pas aux Fers. Elle ne les laisserait pas prendre un nouveau bébé. Les Ecorcheurs n'étaient plus, ils ne comptaient même pas dans la balance. Ses Némésis masculines étaient revenus lui arracher de force le fruit de ses entrailles. Délires temporels, sans drogues ni artifices... Un hurlement sortit du fin fond de sa cage thoracique. Elle en aurait un, elle le devait. Pour le Fortin. Pour le vieux Mat'. Pour le bébé. Pour Personne.

Elle changea de position, se plaçant cette fois sur le ventre. Les doigts agités par d'irascible spasmes de douleur, Soledad vérifia le chargeur de l'Arctic Warfare. Tout était clair dans sa tête. Elle roulerait sur le sol pour enfin les avoir en ligne de mire. A la première tête venue, elle tirerait sans sommation, même si les flammes brulantes de la répression devaient la traverser de part en part.

Une dernière respiration. Un dernier regard vers le sac bourré de drogue. La seule chose qui lui appartenait réellement. Stupeur et consternation. Volatilisé, comme par enchantement.

Amen.

Une botte rencontra sa tempe droite. Le doigt raidi contre la gâchette, elle tira par automatisme. La cartouche magnum finit sa course dans le mur. Un homme se pencha sur son visage meurtri et lui tira le crâne en arrière.

Devant l'effroyable vision du Benelli M3 pointé contre son nez aquilin, une trentenaire fatiguée fut prise de violent malaise. Aucune parole ne se faufila entre ses jolies lèvres légèrement gercées. Seule une toux grasse et angoissée signifia son désir d'exister. L'ultime sursaut d'un animal pétrifié par la peur.

Amandine


C’est bientôt la fin de l’hiver au Squat, Amandine était assise sur un petit tas de bûches près d’une cabane. Une blague d’herbe sur les genoux et ses doigts roulent habilement un cône.
Elle l’allume sur une grosse bouffée.

- Alors ma chérie, depuis combien tu te sens comme ça ?
- Ohh.. Pas si longtemps tu sais..
- Tu peux me le dire, je ne suis pas n’importe qui.
- C’est sûr tonton, mais j’aime pas parler aux morts.

Un homme sort de la petite cabane et Amandine se lève pour prendre sa place.Une odeur nauséabonde lui confirme qu’elle ne s’est pas trompé d’endroit. Elle enlève son short et baise ses collants filés. Elle pose une main sur chaque paroi pour ne pas tomber et le pétard commence a la faire cogiter.

- Bientôt 16 ans ma chérie, tu as tué combien de gens pendant ces années ?
- Chai pas.. c’est important de compter ?
- Non non.. je voulais savoir si tu en avais eu plus que moi..
- Sûrement.. après on a pas mal bourlingué tu sais. On a brûlé pas mal de gens vivants, on a flingué des sans-âmes, et des traitres, et des pédophiles, et des voleurs de bétails. Mais tu sais je commence à avoir l’impression ..
- L’impression de quoi ?
- J’veux pas parler à un mort.

Une grosse bouffée, l’herbe poivrée lui picote les poumons. Elle force. Son visage devient rouge comme ses yeux.

Dans un fracas retentissant, le trou au fond de la cabane se voit recouvrir d’une fine pluie de chiasse.

- Oh bordel il était temps que je la sorte celle là. A chaque fois que je vais poser une prune j’ai l’impression de vider tous les cadavres de ceux que j’ai tué.
- Ah bon ?

Amandine sursaute.

- Tu me fais peur à chaque fois. Putain tonton t’es chiant.
- C’est le cas de le dire ma chérie.
- Relou.
- Allez torche toi, et arrête de parler à ton oncle mort, on va te prendre pour une folle.

Elle s'exécute rapidement. Finit le joint en trois inspirations et commence à se rhabiller.
Des coups de feu se font entendre. Ça se rapproche vite. Des gens courent, d’autres hurlent, Ray semble souffrir.

- Merde !

Elle renfile sa culotte et ses collants et entrouvrent la porte le short encore aux pieds, un magnum dans une main et l’USP d’apparat dans l’autre.

- Bande de ..

*BANG BANG BANG BANG BANG BANG*

Derrière la porte, une blonde peroxydée vient de lui tirer son chargeur dans le buffet.

- Warr.. D..


Une larme pour ses amis,
Ses armes pour ses ennemis.
Lors d’une vengeance sanglante, une tueuse est morte.
Dans une mare de sang, une adolescente est morte.

Katie Leon


**Kitty regardait ce petit corps étendu à ses pieds. Où était le combat? Où était la gloire? Où était ces fameux sénnobytes?

Des semaines qu'elle suivait un entrainement rigoureux, qu'on la nourrissait de ces histoires de grands méchants loups, des serpents en l'occurence. Elle avait suivi Aaron, sans un mot. Elle avait attendu, comme tout le monde, tout un désert pendant aux lèvres de quelques connards à comter les exploits d'une bande de vermines, d'assassins, de violeurs, de monstres sans scurpules, et aujourd'hui? Quoi?

On l'avait levé ce matin-là, on sentait la victoire à défaut de la fêter. On lui avait mis un flingue dans les mains, sans mots dire. Elle avait été poussé dans un véhicule qui roulait dans une direction vague. Pas un mot, pas un bruit, à part celui du moteur. Une vague tension, une descente de véhicules, un autre embarquement... Rien. Encore du sable, un arrêt, une descente. Elle se sentait comme coincée dans un métro un jour de grève. On lui avait mis une boisson dans les mains, puis dit de boire. Elle l'avait fait, bêtement, simplement. Elle avait vu rouge. Ils étaient remontés en voiture, le sourire aux lèvres. Et après quoi?

Un discours fumeux, sans queue ni tête. Un ennemi commun à abattre, c'est déjà ça, à défaut d'avoir un ami commun. Puis ils s'étaient retrouvés là, des individus de tout horizon rangés à la hâte sous la même banière, "écorcheurs", blague sordide. Des musiciens, des ploucs, elle une trainée de plus... Des opportunistes, une opportunité, toute cette journée n'était que ça. Et puis quoi?

L'ordre était tombé, sans enthousiasme chacun tenait son rôle. Il fallait abattre les sénobytes, ces fameux sénobytes, la surprise serait totale! La victoire non-assurée, après tout, c'était les terreurs de ce désert, les grands vilains. Tuer les sénobytes, tuer les tueurs.

Tout était un peu confus dans la tête de Kitty alors qu'elle passait les murs de ce taudis qu'était le Squat. Du moins, elle l'aurait cru... Un cinéma, des maisons bien ordonnées... Des coups de feu à droite à gauche... Mais de tueurs non point.

Une cabine en bois, les toilettes, se cacher, et attendre. Ce plan parassait pas plus idiot que celui qu'on lui avait proposé. Mais la porte c'était ouverte. Une enfant en était sortie, la tension accumulée l'avait faite réagir plus rapidement qu'elle ne l'aurait pensé, le doigt presse la détente, le corps voltige, elle s'écroule. Pour quoi?

Traverser le désert, se galvaniser, crier au loup pour venir tuer une enfant? Elle était belle cette bataille, et glorieuse. Et avec cette gamine morte à ses pieds, Kitty sû que les écorcheurs avaient sauvé le désert.**

-"Désolée, j'ai rien à te dire."

Julia


Cela faisait deux lunes et les chevaux s'étaient échappés de l'enclos au Nord-Ouest. Après avoir puisé de l'eau, récupéré quelques vivres au squat, Julia était revenu se poser à côté du feu pour surveiller le troupeau... Comme d'habitude elle alluma sa radio pour passer le temps mais, cette fois un message concernait le Squat. Elle écouta attentivement. Ca disait en gros que les Sénobytes... ah oui, ceux qui venaient juste de débarquer au Squat ! étaient des monstres qu'il fallait achever et que tous les squatteurs ne devaient pas les aider...

ah ouais quand même..

Règle sa radio sur la fréquence de Kylnt qui l'avait envoyé quelques heures plus tôt surveiller le troupeau.

Euh j'ai entendu un message à la radio... Il parait qu'on va se faire attaquer, tu peux me dire plus précisément ce qu'il se passe... Et.. Et on fait quoi?

Il avait l'air plutôt occupé, mais il pris le temps de lui faire comprendre que c'était tendu, qu' il fallait discuter directement avec les écorcheurs si elle ne voulait pas se faire tuer.
Elle contacta alors celui qui avait balancé le message, pour savoir ce qu'elle risquait.
La réponse fut très brève, elle confirmait juste ce qui était déjà dit dans le message.

Je suis bien avancée! pas très bavard le gars!
Comme si MOI je pouvais aider les Sénobytes...

Il y avait bien un autre mec pour garder le troupeau avec elle, mais il était déjà en train de se barrer vers le nord...
Elle parla avec klynt à nouveau

Euh... Je sais, c'est pas trop le moment, mais on fait quoi du troupeau, je vois personne pour le garder avec moi.

klynt lui dit d'oublier les chevaux, de se coordoner avec Ygg' et Lâkshmî pour se barrer au plus vite du Squat. Ce qu'elle fit aussitôt.
Lâkshî et Ygg' ne pouvaient plus attendre, Julia était trop loin. Elles lui expliquèrent qu'il fallait faire très vite si elle ne voulait pas se faire tuer. Elle devrait passer au Squat pour prendre quelques vivres et les rejoindre à l'Est du Squat.

Bon... Je vais y aller...

Elle ramassa toutes ses affaires, enfourcha le vieux cheval, et pris la direction du squat. Plus elle approchait, plus elle entendait le ronronnement des différents moteurs...

Doctor Fronkonstine


Fronkonstine passa la nuit à la vigie, avec tout l'attirail nécessaire, longue vue, chamelot, whisky et chips périmé, pressentant une attaque mais n'étant sur de rien. La petite halte dans la bourgade du Squat allait prendre une sacré tournure, pas celle qui aurait souhaité. Au petit matin, dés les premières lueurs de l'aube, l'attaque eu lieu. C'est à ce moment là que le docteur roupillait profondément, la fatigue et l'alcool ayant pris le pas sur sa vigilance.

Le réveil fut pour le moins brutal, dés les premières rafales, Fronk se réveilla, l'air hagard, mais dés qu'il entendit des moteurs qui tournaient autour de la cité, il comprit. Shazam et sa bande de macaque s'étaient décidés à sortir de leur trou. Pris de court, le docteur fit le plus vite que possible pour réagir, il attrapa son chamelot et sa bouteille de whisky et se releva doucement sur ses jambes encore fatigués. pffffouuu..

*TAAARATATTAAAA*

Une rafale déchiqueta le bois de la vigie, bien en vue des écorcheurs tournant au dehors sur leurs citroën. Les balles qui fusèrent éclata sa bouteille, et l'obligea à se coucher. L'échelle devait être également à portée de tir, il fallait sortir de là au plus vite sinon il serait vite pris au piège. Rassemblant tout les sachets de cocaïne présent sur le perchoir, il les enveloppa dans un tissu, en boule, et lança le tout au dessus de lui. niéééhéééhéééé..

*bang*

*pouuuf*

La poudre se répandit dans les airs, masquant vaguement la vigie, Fronk profita de cette diversion pour se jeter sous la rambarde, se raccrochant au plancher, et entama une descente précipitée. Pour se couvrir du mieux, il tira frénétiquement vers une cible improbable.Maauudiit palanquiiin...

*bang**bang**bang*

*TAAARATAATTAAA*

Une deuxième rafale s'acharna sur la tour, le bois explosa sous l'impact des balles formant des débris jaillissant vers le docteur, ce qui entrava sa progression.

Une balle vint se loger dans son bras.

" AAAAAaaaarrhhhh... "

Sa main crispé ne tenait plus son corps, il mit le flingue entre ses dents et tenta vainement de se ressaisir.

La chute.

*POM*

Personne


Voilà deux lunes environ que Personne et Soledad se sont installé dans l’une des bicoques abandonnées du Squat, savourant leurs retrouvailles après plus de deux saisons passées à barouder séparément, elle ayant ballotté son spleen dans les déambulations du camion alors que l’Equarrisseur, ayant saisi une opportunité, avait été emporté par le groupe de frappe réuni dans leur monstrueux 4x4, ce que Personne ne voulait pas accepter sans qu’il soit offert à son Eurydice la possibilité de le suivre…


Ce matin-là, n’étant pas de garde, ils dorment du sommeil du juste, d’autant plus que, comme la plupart des nuits précédentes, ils viennent de passer une trèèèèèèès bonne partie de celle-ci à faire l’amour…

Quand, lors de la venue de l’aube, sous un ciel bas et chargé lâchant nonchalamment une pluie crachotante sur les tôles ondulées des baraquements, un cri retentit à travers les rues de la ville…

- ALEEEEEEEEERTE ! ALEEEEEEEERTE ! DES BRUITS DE MOTEUR A L’HORIZON !……… DES BAGNOOOOOOLES ! AAAAALLLEEEERRRRTE ! !…

Sûrement la vigie qui s’égosille tant et tant que l’on peut se demander si elle ne va pas se vriller les cordes vocales.

Personne sursaute, bousculant involontairement Soledad, son visage confortablement couché sur son ventre chaud… Elle marmonne presque machinalement « Eééééééééheinnn… », encore plongée dans les méandres sensuels d’un sommeil empli de plaisirs des sens…

Une première voix dans la rue se fait entendre, répondant en hurlant à destination de la vigie, alors qu’on commence à y percevoir de l’agitation :

- COMBIEN DE VOITURES ?… COMBIIIIIEEEEENN ?…

La vigie, elle, continue à brailler de plus belle…

- ATTENDS ! LA BRUINE ME GENE !… DEUX ! Y EN A DEUX !…… DEUX TRACTION AVANT !… V’LA LES MAFFIEUX D’OPEREEEEEETTE ! !… AAAALLLLEEEEERRRRTE, BORDEEEEEL ! !

La première voix, sans doute celle d’un SénoLight, enchaîne :

- BRANLE-BAS-DE-COMBAAAAAAAAAAAAAAAT ! Le groupe de défense, à vous positions : deux aux murs, les autres à l’entrée du Squat ! ils vont certainement tenter de pénétrer dans la communauté avec leurs tacots ! FAUT A TOUT PRIX LES EN EMPECHER ! !…

Très vite, l’agitation s’intensifie sérieusement, et plusieurs autres voix SénoLight viennent crier dans les rues tout en se déplaçant pour rejoindre leur poste…

- AUX AAAAAAAAAARRRRRRRRRRMES ! ! …etc.

- Les libéros, préparez-vous à bouger en fonction des déplacements de leurs antiquités ! mais comment ça roule encore, ces conneries-là ? !… Les piliers, à la mêlée au portail ! Boutez-moi ces bouseux en touche ! Un sac de coke pour le premier qui droppera une de leurs têtes par dessus le mur d’enceinte !

- Réveillez-vous, bande de drôôôôôgués ! TOUT LE MONDE PREND SA DOOOOOOSE ET AU CAAAAARRRRTON !
- Eh ! t’as pas une Redbull de rab ?… aaarf… Qui les a ?… le doc’ ? okay, impec’ !… il est où ?…

- YO ! c’est l’heure fatidique, les potos !

- Chié ! quel est le palanquin qui m’a piqué mon chapeau ? ! ?

- PUTAIN ! me réveiller à cette heure-ci, FAUT QU’JE TUE QUELQU’UN !

- Rhaaaa ! Boum-boum ! Rhaaaaaaaa ! Crrraaaackk !

- Meeeeeeeeerde, Amandiiiiiiiiine, t’es où ? ! ?
- Chuis là, tonton Wawa’ ! promis, je m’éloigne pas trop ! et puis lâchez-moi un peu la grappe, chuis grande maintenant !…
- Ouais ouais, fais gaffe quand même ! reste pas loin d’nous, j’t’ai à l’œil ! Niéééhéhéhééé!

- Waaaaaaatchaaaaaaaa ! comment on va faire sans musique et sans buvard ! ? heureusement qu’il nous reste la coke…
- Le 4x4 ! Allez chercher l’4x4 ! Y’a de quoi passer d’la musique dedans…
- PAAAAAAS L’TEMPS ! Faut repousser la volaille d’abord ! volons-lui dans les plumes !
- Ouais ! et vous, préparez la poutre et le goudron pour le défilé de mode ! haaaaahahahahahaha !…

- C’est Yggdrasil qui va être contente, ce n’est pas la matière première à disséquer qui va lui manquer ! Pensez à elle, n’abîmez pas trop la marchandise !…

- Et si on leur proposait de régler ça sur le ring ? Il vient tout juste d’être achevé, un bon match de boxe entre nos chefs pour l’inaugurer en beauté et on n’en parle plus !
- On n’a pas de chef…
- Ah ouais, c’est vrai… On n’a qu’à en choisir un vite fait alors ?
- Et Mopral, ce n’est pas notre chef ?
- Oui, notre chef cuistot, banane…

- ENCUUUULES ! Même l’autre enflure de Dieu roupille encore à cette heure, chiens de bâtaaaaards ! J’VAIS TOUS VOUS PELER LES BUUUURNES ! !

- Surveillez qu’il ne s’arrêtent pas devant le mur d’enceinte pour le faire sauter à l’explosif ! S’ils veulent rentrer de force, qu’ils n’aient que le portail comme voie possible !
- FUUUUUUUUUUUUUUUCK ! !
- Tenez l’entrée ! TENEEEEEZ L’ENTREE, BORDEEEL DE MEEEEERDE ! c’est un goulot, faut les y contenir pour n’avoir qu’un seul front ! !…
- On n’est pas assez nombreux ! Mais où sont les autres ? ! ? Qu’ils se magnent, nom d’un Porteur de Lampion !
- Si jamais ils entrent avec leurs voitures à pédales, visez en priorité les conducteurs, les radiateurs, les pneus !
- Ils sont entrés ! ils sont entréééééééés ! chiééééééééééééééé !
- Déjà ? ! ? meeeeeeeeeeeeeerrrrrrrrde !
- Fallait pas venir dans cette souricière, c’est un vrai gruyère ! et on est faits comme des rats ! C’est l’cas d’le dire… ouaaaaah j’ai maaaaaaaaal au crâââââne…
- J’vous l’avais dit qu’ils viendraient ! J’vous l’avais dit qu’ils viendraient ! J’vous l’avais dit…
- Je dirais même plus !…
- Z’ont un studio de cinéma ici, à c’que j’ai entendu… Vous croyez qu’on va être filmé ? Faudrait pas louper notre sortie !…
- Ouais, ben en attendant c’est eux qui ont réussi leur entrée !…
- Ca va chauffer, les gars ! c’est l’occasion ou jamais de mourir comme on l’a toujours voulu, les armes entre nos sales paluches et le joint collé aux lèvres, en bandant !
- Ouais, engagez-vous, rengagez-vous, qu’y disaient !…

Et d’autres répliques encore, plus ou moins éloignées, s’entremêlant, incompréhensibles.


Pendant ce court laps de temps très actif dehors, Personne achève de réveiller Soledad en l’aidant à s’asseoir, et alors qu’elle reprend un peu de ses esprits, elle constate qu’il la regarde intensément… D’un geste déterminé il l’amène tout contre lui, l’embrassant d’abord avec volupté … puis de plus en plus passionnément…
Lorsque ce baiser prend fin, Personne se décolle brusquement de la magnifique jeune femme, nue dans la splendeur blessée de son âge d’or…
Ses yeux brillent ardemment… son regard devient bizarre… oui, j’ai dit bizarre…
Soudain, d’une voix qui se révèle complètement transformée, devenue très glauque, presque inhumaine, il s’exclame :

« AAAAAAAAARRRRRRRRRRRRRRHHH ! !… »

Un sourire carnassier vient se figer sur son visage…

« Mauvais jour, chériiiiiiiie… Ce matin, c’est une autre poudre qui va parler … »

Dehors, l’agitation redouble. Tous deux s’habillent dans la hâte.
Puis il prend son sac, en sort une lame de scalpel dont il se sert pour entailler superficiellement le dessus de son avant-bras et, prenant de son propre sang il se signe d’une croix à l’envers en travers de son visage, comme peinture de guerre…

Elle, est déjà prête, et alors qu’elle se dirige vers la porte, on entend frapper…

Elle atteint la porte… l’ouvre…

RAAAAAATATATATATATATATATATATATATATATATATA ! !

Sous la puissance de la longue rafale qui vient la cueillir de plein fouet à bout portant, tel un pantin désarticulé elle recule de manière saccadée pendant quelques mètres, le sang giclant sous la violence de l’impact des balles, le corps sans vie finissant par s’écrouler enfin au beau milieu de la pièce dans un bain de sang…

Mais le tir se poursuit…

…l’espace de quelques secondes abominables…

…il s’acharne sur le cadavre déchiqueté qui sursaute sous la force et la multitude des projectiles mortels, lui labourant d’abord la poitrine, lacérant sa chemise, déchirant la peau douce tant aimée, puis finissant par la défigurer complètement au passage, allant jusqu’à arracher des lambeaux de chair de son visage, éclaboussant tout ce qui l’entoure, y compris Personne, tétanisé…

…avant de s’arrêter enfin…

Sur le seuil… Revêtue d’une soutane sombre et poussiéreuse, une silhouette obscure de taille humaine se découpe dans la lumière rougeoyante du petit matin, sa cagoule rabattue dissimulant son visage, le canon d’une mitrailleuse rutilante fermement tenue et fumant encore entre ses mains…

Une voix masculine qui ne lui semble pas totalement étrangère lui dit froidement :

« Mauvais jour, mon fils… tu vas mal ?… c’est bien !…
Tu vois, je ne t’ai pas oublié…
Je suis venu te chercher…
Et toi, Alchime ?… tu ne m’as pas oublié, dis ?…
Haaaaaaa hahahahahahahahahahahahaha !… »

Stupéfait, ne réalisant pas encore vraiment, tout en ne voulant inconsciemment pas l’accepter, regardant tour à tour le mystérieux assassin et le cadavre sanguinolent de son amante, Personne se met à hurler… de sa voix redevenue naturelle…

SOOOOLEEEDAAAAAAAAD ! !

L’instant d’après, tout en hurlant encore, il se rue vers l’agresseur qui ne bronche même pas, ayant été jusqu’à abaisser la garde de son arme automatique, il lui saute littéralement au cou et tous deux tombent à la renverse dans une flaque d'eau boueuse…
Le temps de la chute, il croit tomber dans un puits de flammes… ce n’est que le reflet des constructions du village, et qui sont toutes embrasées, se mêlant à l’unisson avec le sang céleste qui se répand depuis l’horizon…
Fruit du plongeon, Personne voit la cagoule glisser en arrière, suffisamment pour révéler un visage vieilli qui lui fut familier…

- TOI ? ! ? ! ?…… Ce n’est pas possible !… ce n’est pas possiiiiiiiible ! !… tu es mort… moooort !… MOOOOOOORRRT ! !

L’homme se met à rire…

- JE T’AI TUE ! !… TU ES MOOOOOOOORRRRT ! !…. CREEEEEVE ! ! DISPARAIS DE MA VIE ! CREEEEEEEEVE ! !

Lui braille-t-il comme toute réponse, en entreprenant de l’étrangler de toutes ses forces… mais entre deux gargouillements, le visiteur de l’Aube dorée rit toujours plus, comme si sa vie n’en dépendait pas…
Les insultes continuent de pleuvoir, tandis que les rires sont de plus en plus étouffés…

- CREEEVE, CHAROGNE ! ! POURRITUUUURE ! ! TU LES AS TUEES ! TU LES AS TUUUUEEEES ! !...

Le rire finit par s’éteindre peu à peu… le regard s’immobilise, le souffle s’évanouit… Personne s’acharne encore quelques poignées de secondes interminables… et, desserrant son étreinte fatale, relâche lentement le cou de sa victime…

Impitoyablement torturé par la douleur, il reste là, hébété…

Contre toute attente, une autre voix émerge alors de l’homme étranglé… une voix glauque, au timbre immédiatement reconnu…

- OUI ! OUIIIIIIIIIIIIII ! !
OUI, C’EST MOAAH ! MOAAAAH !
AAAARRRRH AARH AARRH AAARRRRRRRH ! !
MOAAH, TON PROPRE PEEEEEERE ! !
AAAAAAARRRRRRRRRRRRRRRHH !
MOAAAAH QUI AIT TUE TA MEEEERE ! ! ET TES SŒURS ! ! …
ET TA FEEEEMMMMMMMME ! ! alouettes, gentilles alouettes…
Après les avoir plumé et violé et torturé et violé et…
AAAAARRRRRRRRRRRRRHH !
ET ALOOORS ? ! ? AAAAAALOOOOOOOOORS ? ! ?
VAS-Y !… MAIS VAAAAS-YYYYYYYYYY ! !
TUE-MOAAH ! !
AAAAAAAAAAARRRRRRRRRRHH ! !
TUUUUUUUUUE-MOAAH !
AAAAAA TON TOU-OU-OU-OURRRRRRRRR !…
VENGE-TOAAH ! ! !

AAAAAAAAAARRRRRRRHH AARRRRH ARRRH AARRRH AARRRH AARRH ARRH AARRRRRRRRRHH ! !


Personne, au bord de la folie, se met à hurler de désespoir :


NOOOON ! ! NOOOOOOOOOOOOOOOONN ! !








Il se redresse brutalement, réveillé par ses hurlements, et se retrouve assis nu comme un ver, trempé de sueur, les bras tendus vers l’avant… quelques instants abruti par la terreur qui suinte de tout son corps…

Un satané cauchemar…………………………. un de plus.

A nouveau un ou presque par tranche de sommeil, depuis leur reprise il y a quelques nuits à peine. Une chance que Soledad ne soit pas là, comme souvent ces jours-ci lorsqu’il est réveillé par l’un de ces maudits cauchemars… Il ne veut pas l’effrayer, voire l’inquiéter outre mesure… même si elle l’a très souvent entendu cauchemarder lors de leur année de pérégrination passée ensemble…

Même si maintenant… elle sait.


Le temps de reprendre un tant soi peu ses esprits…

Soledad n’est plus là.

Où est-elle ? ! ?…

Dehors, une vive agitation, des cris… un, surtout…

AAAALEEEEEEEEEERRRRRRTE ! !…

Cauchemar ou pas ?…

Un cauchemar éveillé…

Une nausée le prend, sa tête tourne, un vertige, un malaise, une douleur envahissante, qu’il a juste le temps de reconnaître, avant de…

Plus rien…

UN TROU NOIR…




Trois minutes plus tard, à l’arrière du petit baraquement, plusieurs violents coups de pied déglinguent une partie bringuebalante de la cloison, et par le trou opéré Personne surgit, armé de pied en cap, et balaie d’un regard pressé les alentours…
Un regard étrange…
Un sourire carnassier…
Une croix sanglante inversée en travers de son visage…

De sa voix glauque enjouée, il marmonne entre ses dents :

« Avé Lucifer !… Morituri te salutant !… AAAARRRRRRRRHH ! !… »

Joyeux comme le son du glas par un jour de sabbat, heureux comme pour un enterrement, l’Equarrisseur se met à courir de masure en taudis, de couvert à couvert, vers le portail de la communauté d’où viennent les cris et des rugissements de moteur, une première explosion et des tirs…

Là-bas, la messe vient tout juste de commencer…

Pendant ce temps-là… Dans la communauté, le tohu-bohu est à son comble, certains de ses habitants paniquent et surgissent de leur bicoque avec de rares affaires et s’enfuient avec, vers le versant opposé à l’entrée, dans l’espoir de s’échapper par dessus le mur d’enceinte, seule et unique protection de ce lieu en perdition…
D’autres, plus lucides, plus réactifs, mieux armés, improvisent au mieux dans le feu de l’action, pour aider à la protection ou la fuite des citadins, voire pour aller épauler le groupe de défense… mais le chaos est presque total… et la plupart sont pour le moment obligés de protéger simplement leur peau en se trouvant des abris d’infortune, plutôt que de se précipiter dans la rue vers une mort trop certaine…

Plus loin, dans un fracassement de tôles et de planches de bois, les deux voitures noires lancées à toute berzingue réussissent à enfoncer sans trop de difficulté le portail rudimentaire, et entreprennent quelques allées et venues intra-muros dans l’idée d’éliminer un maximum de SénoLight avant de tenter d’envahir la place à pied pour réduire à néant les poches de résistance…

Tels des corbillards livrés pour une partie d’échecs à domicile, les véhicules rageurs sèment leur lot de mort aux futurs vainqueurs de cette macabre tombola…

Des mouvements se précipitent, selon les agissements des voitures et de ses membres les plus téméraires qui ont osé sauter de leur bolide pour pénétrer dans une ruelle plus étroite ou un baraquement, sous couvert des tirs de ses compagnons, tandis que les rafales de quelques défenseurs fusent à leurs oreilles…
Les premiers SénoLight, surpris ou submergés, se font tuer sans trop de difficultés… mais l’effet de surprise ne dure pas et les survivants, plus prudents, progressent maintenant à couvert ou s’embusquent, et se montrent potentiellement bien plus dangereux… Le mouvement rapide des voitures est un atout capital pour la réussite de l’opération, il ne s’agirait pas de s’arrêter n’importe où, exposé aux tirs d’un éventuel sniper, sans y mettre le paquet pour assurer ce genre de manœuvre…

Une guérilla urbaine éclair est entamée… et pour personne, la bataille n’est pas gagnée…


La communauté du Squat va-t-elle tomber ?…

Sa prise semble presque secondaire… même si elle ne l’est pas…

Warren


..depuis son arrivée au Squat,warren dormait dans une tente bricolée dans un des ateliers de la cité...la toile était un patchwork de differents tissus et fourrures récupérés ça et là....

le resultat en était surprenant,mais solide et étanche..il avait quelques dons de maroquinier qu'il mit à contribution...

il s'était refusé à s'installer dans un des batiments abandonnés du squat..sa phobie de l'enfermement en devenait presque maladive....
et cette chape de nuages bas qui semblait emprisonner la cité n'arrangeait rien,...
le petit matin était frileux et humide,une pluie fine et froide dégoulinait de ce ciel crasseux..

comme a son habitude,la premiere chose quil fit des son reveil,rouler un tarpé de senoskunk et une ptite rasade de sky,faisant office de dentifrice et surtout donnant une haleine plus acceptable....

pourtant quelque chose clochait ce matin..il regnait un silence presque surnaturel..le temps semblait figé..il n'y avait que le 'ploc ploc" des goutelettes ...

il n'aimait pas cet endroit,ces murs lugubres,et ce matin plus que jamais encore...

apres avoir allumé le tarpé,il sortit de la tente et emprunta une des ruelles qui menait à la place central..en chemin,il croisa Amandine..
apres un moment passé avec la ptite,il reprit son chemin,Amandine les rejoindrait plus tard apres avoir satisfait quelque besoin naturel...

soudain,il lui parut entendre comme un bourdonnement..lointain,mais s'intensifiant rapidement...
du haut de la vigie,s'eleva un cri qui dechira le matin.....

...ALERTE!!!!!!!!plusieurs vehicules en approche.....

en un eclair warren grimpa sur l'empilement de carcasses et de caisses diverses qui faisait office de vigie...
le ciel bas empechait de voir quoi que ce soit,pourtant...ils étaient là....au moins deux bagnoles...warren redescendit en trombe.....

un vacarme énorme alors quil finissait de descendre,le portail venait de voler en eclat,deux ombres noirs se lancerent à l'assaut des ruelles....
tout s'accelera,warren se mit a courir en direction du 4x4...les bolides étaient a ses trousses,il les entendait vrombir pas loin....

..AMANDINE!!!!!!..il fit demi tour et se dirigea vers les chiottes communes,en courrant comme un damné.....
un des deux vehicules était là..garé devant les chiottes,le moteur hurlant,pres a redemarrer...il y eut une rafale...un corps était étendu au sol.....
il vit au loin la chevelure blonde souillée de sang....

la bagnole redemarra en trombe alors qu'il arrivait a proximité,..une autre rafale,celle la lui était destinée...une douleur dans l'épaule,comme un coup de poing,puis une autre au pied qui le fit trebucher....il s'écroula au sol...
la bagnole ralentit,le croyant mort sans doute elle redemarra pour s'engager dans une ruelle....

la douleur était monstrueuse...une balle de gros calibre avait transpercé sa cheville de part en part,une autre avait traversé son épaule mais n'avait miraculeusement causé que peu de dégats,ne brisant aucun os.....

il se traina jusqu"au corps étendu,oubliant la douleur un instant...
il secoua le corps d'Amandine....

.."c'est bon ma cherie!!! ils sont partis,...allez viens on y va!!...
Amandine!!!...putin!!! reveille toi...."
il se releva,faisant fi de toute douleur,il souleva le corps d'Amandine,découvrant les dizaines d'impact parsemés sur son corps,mais le visage était intacte,et elle ne paraissait pas souffrir....elle était morte,.....cette fois cest la fin...la fin de tout....une detresse quil n'avait encore jamais connu le submergea...

..sa radio se mit à crepiter...puis il reconnu la voix de Personne.....il s'en etait sortit lui aussi,mais pas Soledad..
les terribles nouvelles s'enchainaient...le Dij ne repondait plus,Stylo non plus.....un soulagement immense pourtant éclaira un instant son coeur lorquil entendit la voix du Doc....

...la ptite est morte Doc...c'est terrible..jai rien pu faire....
jsuis blessé mais jpeux vous rejoindre je pense pour quon organise la suite avec les survivants....

Sifflement de damné. Bruit sourd.

ALEEEEEERTE !

Instantanément, plusieurs silhouettes s’extirpèrent des griffes des tractions, prenant place sur les portières, là où les vitres auparavant entravaient le paysage. Selene ôta le silencieux du Colt et le balança sur la banquette. L’alerte avait été donnée, il n’était plus temps de la discrétion. Les moteurs semblaient ronronner plus fort. Voici venir le chœur, une quinzaine d’archers de la squelettique Faucheuse.
La première voiture détruisit la futile palissade, s’engouffrant rapidement dans la ville. Les guerriers s’étaient protégés des éclats de bois. Une flamme née pour les ténèbres, elles leur laissaient maîtriser la fièvre promise. L’aube serait embrochée, sanglante.

Dérapage, crissements de pneus. Selene eut juste le temps de sauter à terre que déjà Aaron redémarrait. Le Colt menaçant, la besace remplie de munitions contre elle. Le regard bleu balayait déjà les lieux. Sois rapide ou sois mort…
Un dernier coup d’œil vers Cendre qui était descendue aussi, et la sombre silhouette s’engagea dans les ruelles crasses, d’une marche silencieuse. Les rafales fusaient, les ennemis avaient été levés. Une balle siffla brutalement à ses oreilles. Instinctivement, elle se retourna, tirant sans ménagement sur l’impudent. Un corps au sol. Les pupilles envahies par l’acier scrutèrent le mort. Tuer sans scrupule ou silencieux regret. L’attention était fixée sur la douleur. Leur douleur. Puis subitement, Selene reprit sa route, courant cette fois entre les bâtiments de tôle froissée, évitant les pièges des constructions précaires. L’arme automatique crachait furieusement ses balles, faisant grandir la tumeur jusqu’à ce que l’ennemi soit tué. Des Sénobytes étaient touchés, provoquant de minuscules miracles rouges qui tombaient comme la pluie. Les mares n’étaient formées que de leur sang.
Une silhouette, un cri. La jeune femme braqua le canon de l’arme sur l’homme, le doigt sur la gâchette. Mais elle retint son geste. Epargner les innocents. Celui-là avait l’air de tout, sauf d’un dangereux pillard au nombre de victimes incalculable. De longues secondes s’écoulèrent pendant lesquelles il fixa Selene d’un air apeuré. Elle, de glace, le tenait en joue. Le halo meurtrier le faisait trembler. Enfin, elle baissa le Colt, se retournant sans un mot, et disparut dans la ruelle adjacente. Lui, sans doute, reprit la fuite soulagé, non sans être resté immobile quelques instants pour digérer la scène.

Une porte qui s’ouvre. Une arme qui se lève. D’autres tirs qui fusent.
Là où Selene était arrivée, Amandine était sortie d’un quelconque taudis. L’Ecorcheuse s’apprêtait à tirer.

Brièvement, dans l’ombre, tu es dans le secret de mon péché…

Mais Katie fut plus rapide, comme réagissant d’un réflexe. L’adolescente s’écroula au sol, d’une chute presque irréelle. Silence… Tout, autour, paraissait s’être tu, comme si le monde venait d’apprendre la mort de l’enfant. A côté, la blonde ne semblait pas fière. Elle s’éloigna. Mais Selene restait sur place. La mort d’une adolescente ne la choquait pas. Parce qu’elle faisait partie de leur camp, parce qu’elle était comme eux. Elle était eux. Elle avait elle-même disséminé la mort, sans souci de son âge. Alors non, ça ne choquait pas. Il était juste temps. Enfin, glissant dans sa robe nuptiale, Elle venait la cueillir.
Un théâtre au ralenti. Selene sortit de son sac une fleur au carmin éclatant. S’accroupissant auprès de la gamine, elle la déposa délicatement sur la chevelure souillée. Quelques secondes de répit.

- Une rose rouge pour la putain du Diable.

Plus de respiration. Plus de sursaut. C’était fini.
La musique de mort reprit violemment.

L’Ecorcheuse se releva d’un bond, quittant l’endroit. Le silence n’avait été qu’illusion. Partout, les peurs, gémissant une fugue de mystérieuses diatribes. Partout, les cris raisonnants des vies qu’Elle avait volées. Déjà, les radios vomissaient des informations trop nombreuses pour être toutes saisies. Le Chaos s’était emparé de la ville, sans pitié.
Encore, les armes expectoraient dans un dernier effort les munitions tueuses qui ne les gorgeraient plus.

Une flamme lécha le ciel, signe qu’il fallait partir. Dans les cahots, la communauté commençait à être embrasée, créant son théâtre d’ombres éclairé par les torches animées. Selene revint rapidement au véhicule, sautant avec agilité dans le premier à sa portée.
Alors que les deux voitures démarraient à nouveau, elle se retourna. Les rescapés fuyaient. Des Sénobytes cherchaient leurs compagnons. Trop tard.

Sois rapide ou sois mort.