Tabara, lonely Pretress

Affalé dans un vieux canapé miteux récupéré par Madhy, mieux vaut ne pas savoir où, Hurra est en pleine montée.
Autour de lui s’agite tout un tas de gens affairés, ca rie, ca bois, ca chante, ca fume, ca vit de toutes parts… Il a l’impression d’être au ralenti dans une scène en accéléré.
D’être spectateur dans un décor qu’il ne connaît que trop bien. La défonce traine partout sur la table et au sol, la musique l’enveloppe comme un coussin moelleux. Des couleurs vivent explosent sur les murs et une odeur prenante s’échape de la soupe de champi qui mijote sur le poëlle à charbon… il est chez Shyning.
Et il est bien.

Pourtant si cette douce euphorie le berce délicatement, il sent un malaise dans ses tripes avant même de le voir par ses yeux…
Un peu en retrait, dans un coin de la pièce assise contre un mur, les jambes repliées sur elle, elle tripote nerveusement de petits bouts de chiffon.
Il tente de se lever pour la rejoindre, mais s’affale aussi sec sous l’étonnant brouhaha des rires de l’assistance passé au filtre de sa brume chimique.

Elle maugrée de petites phrases incompréhensibles en enfonçant de long piquant dans ce qui ressemble de plus en plus à une poupée en tissus.
Un petit rire de petite peste fière de son mauvais coup, suivie d’un sanglot retenu in extremis lorsqu’une goutte de sang s’écoule du bout de son doigt.
Elle reprend contenance rapidement et trace d’étranges symboles sur la poupée et le sol autour d’elle.

Nouvelle tentative pour se lever. Ca chancelle mais ça ressemble à une réussite. Comme s’il glissait au milieu de la foule il s’approche tranquillement de sa demi-sœur.
Etrange cadeau du destin que cette petite boule de nerf d’un mètre cinquante.

Elle est seule. Toujours.
Sa quête insensée l’isole de la plupart des gens. Prêtresse des Cendres d’Eda, c’est pas toujours évident comme taf. Surtout quand les élus et les anges sont d’aussi mauvaises factures que dans ce bled !

Il arrive devant elle, un sourire de fraternité sincère perçant sous le masque de sa constante toxicomanie.
Elle soulève un sourcil méfiant à son approche, suivi presqu’immédiatement d’un rictus de grognement, ses armes les plus déroutantes pour le péquin moyen.

Alors, c’est avec un étonnement non feint, voir un hoquet de surprise qu’elle réagit lorsque le petit Rockeur Bleu et heureux se penche vers elle pour déposer un baiser chargé de tendresse sur son front.
Plissant les yeux, elle lance sur la défensive.

Toi t’es encore complètement stone hein ?
Tsss…

Un vague sourire un peu plus franc en guise de réponse.
Puis il se met à fredonner.

Sweet dreams are made of this.
Who am I to disagree?
Travel the world and the seven seas.
Everybody's looking for something.

King de la Pop, Prêtresse des Cendres… quelle différence… ?
Ce sera toujours une foutue arnaque pour certain et une révélation pour d’autres.

Some of them want to use you
Some of them want to get used by you
Some of them want to abuse you
Some of them want to be abused

Il s'assied à côté d'elle, dos au mur, et toujours souriant profite du moment pour partager sa vision du monde.