Mikhaïl resta songeur un moment, le regard perdu dans le vague, immobile. C'était à se demander s'il avait entendu au plus profond de sa rêverie ce que venait de lui dire Anton. Il finit tout de même par lever la tête afin de croiser le regard de son compagnon, bien plus grand que lui, et se contente de lui répondre :
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !
Anton reste silencieux face à ces étranges propos, l'air vaguement perplexe, et Mikhaïl profite de ce laps de temps pour s'extirper totalement de sa rêverie. Finalement, son visage s'éclaire quelque peu tandis que le trouble de son regard se dissipe, et il reprend, d'une voix bien plus naturelle :
-Je conçois parfaitement votre impatience, monsieur Chigurh. Sachez que j'ai déjà aboré le sujet d'une expédition à l'extérieur avec messieurs Greg et Torpedo, entre autres, mais ce genre de voyage ne se prépare pas à la légère et demande du temps.
Après un léger silence, il reprend :
-De toutes façons, l'âpreté de l'hiver nous contraint à demeurer à Ramdam, où les réserves de céréales assurent notre subsistance en ce temps de disette.