Ramdam Records
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 Blessed persistence

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Gabriel Krusemark

Gabriel Krusemark


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MessageSujet: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeMar 11 Nov - 19:49

[Cette scène se déroule dans la soirée qui suit le retour en ville du RR, cf La Fosse/Back in town]

>>Blessed persistence<<

Ce soir là, Gabriel se sentait « largue ». Mais il résistait rarement aux attraits de la nuit et avait fini par leur céder. Ces derniers jours avaient été éprouvants. Travaillant sur lui pour ne pas céder à ses pulsions, taisant la frustration qui résultait de ce travail, il avait fait place nette de ses émotions. Mais se sentait du coup comme une écorce vide. Dans ces moments là il fallait qu'il marche, seul, et qu'il s'imprègne. Les mots de Margaret lui revinrent à l'esprit: Le « Loi Racine » t'a choisi parce que tu es un réceptacle Gabriel, et comme moi, un « sensitif ». Un « sensitif » oui. Si cela le servait la plupart du temps, il avait rapidement compris, non sans amertume, pourquoi les créoles appelaient aussi ce don le « prizdezye », le prix des yeux...

Ses premiers pas le détendirent aussitôt: la liesse, l'excitation étaient palpables et comblèrent le vide, fugitivement. L'air était lourd, un orage menaçait. La communauté était en effervescence, Catherine allait bientôt retrouver sa « prétendue », les préparatifs allaient bon train et le Records venait de rentrer. Il s'arrêta et observa un moment la Fosse au loin, et l'activité qui y régnait l'attira, la violence aussi, comme un halo rougeoyant autour du lieu. Non, il irait un autre soir... De toute façon il n'avait pas envie de s'enfermer, surtout pas. Il voulait profiter de l'air libre du désert, de ce ciel nocturne, électrique et chargé d'automne.

Il prit à droite après quelques mètres et descendit le long d'Elvis Street direction les abords de la ville. A mi chemin, attrapant un vieux fond de tabac qui lui restait, il entreprit de se rouler un clope puis s'arrêta pour allumer la tige, sa main en écran devant la flamme vacillante. C'est alors qu'il perçut la présence, un regard qui le sondait. Il ne broncha pas pour autant. Première bouffée, la plus plaisante, et la fumée s'en fut par ses narines, puis de sa bouche en une volute plus épaisse.

Il redressa la tête et distingua la silhouette. Celle d'une jeune femme vêtue de noir, au port fier et droit, tandis qu'elle s'avançait. Les lueurs de Ramdam accentuaient la pâleur de sa peau, et son visage aux traits acérés, encadré d'une chevelure noire, n'en paraissait que plus spectral. Ses yeux étaient pareils à deux follets. Il la connaissait pour l'avoir aperçue à quelques reprises en ville, mais surtout pour l'avoir observée, présence hiératique en haut de la vigie. Selene. Elle faisait partie du groupe de défense de Ramdam.

Tirant une seconde bouffée il s'absorba dans sa contemplation. L'aura de la jeune femme avait quelque chose de très magnétique -vision fugitive de la lame dix-huit- et confirmait l'impression de dangerosité qu'elle dégageait. A moins que ce ne fût le fusil de chasse qu'elle portait avec elle. La réflexion amusa Gabriel qui rit intérieurement.
Mais bien plus que son calme froid, c'est la solitude qui émanait d'elle qui le frappa le plus. La solitude oui, et la distance... Elle était bien là, toute son attention concentrée à sa tâche, et dans le même temps, elle lui paraissait tellement lointaine. Un coup de tonnerre retentit qui le sortit de sa contemplation. Le jeune femme s'était arrêtée à quelques pas de lui et le regardait à son tour. Il se demanda combien de temps s'était passé depuis qu'il l'observait.

Le ciel était devenu noir et les nuées s'amoncelaient au dessus des deux noctambules. L'atmosphère était on ne peut plus pesante. Il sentit bientôt les premières gouttes, éparses, s'écraser au sol. L'orage allait éclater d'une seconde à l'autre, il durerait peu comme de coutume dans le désert mais il serait diluvien. Il leva les yeux au ciel. Un éclair zébra le ciel au loin, qui embrasa le paysage autour d'eux puis ce fut « l'avalasse ». Sans plus chercher à comprendre et toujours sans un mot, Gabriel jeta au loin son clope, s'approcha de la jeune femme ne se détachant pas de son regard. Il enleva sa veste qu'il déploya rapidement au dessus de leur tête et désigna à la patrouilleuse un appentis, à une cinquantaine de mètres de là.

- Restons pas là! A l'archerie, on s'ra à l'abri d'la « colonne ». Jusqu'à c'que l'temps s'casse.
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Selene

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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeMer 12 Nov - 3:55

La nuit tombait tôt. Selene leva les yeux vers le ciel. Non, de gros nuages noirs, pas la nuit.
Elle continua à avancer calmement, nullement perturbée par la menace de l’orage. Ses yeux bleus se firent plus étincelants, comme pour mieux percer l’obscurité tombante.

Le retour du Records avait déchaîné les foules. Comme toujours. Avant, elle se serait trouvée parmi les membres du groupe, triomphant de leur dernier voyage. Elle se serait extirpée de l’Austin, serrant contre elle la Bomber, l’arbalète dans son dos, et pestant contre la conduite de Tabara. Elle les aurait suivis au bar, s’enivrant quelque peu du succès et des regards envieux des habitants lambdas. Mais il y aurait toujours eu cette distance, qu’elle mettait plus ou moins volontairement entre elle et eux, même si elle jouait avec eux, même si elle feignait parfois d’ignorer les mains baladeuses de Hurra, même s’il lui arrivait de prendre le plaisir comme il venait, sans penser à rien.
Mais ce temps était révolu. Elle était Ecorcheur. Elle devait veiller à la sécurité de tous. Désormais, elle patrouillait longuement à travers la ville, seule, avec son unique nouveau compagnon de métal.

Ce soir-là, elle n’avait fait qu’observer les musiciens entrer dans la Fosse, avant de se détourner de la route, reprenant la ronde de façon sans doute un peu mécanique, pour cette fois. Ses pensées voguaient ailleurs. Elle marchait parmi les lampes à charbon, allumées plus tôt à cause du mauvais temps, sans réellement se soucier du chemin. L’air était lourd. Un claquement sec du long manteau noir la ramena à sa tâche. Le regard acéré, prédatrice, telle une louve. Elle se retourna quelques secondes, comme pour vérifier qu’elle n’avait rien laissé passer. Rien…
Ce fut devant elle qu’une silhouette apparut. Etrange ; à cette heure-ci, ils étaient tous en train d’acclamer les rockeurs, ou n’étaient plus en état de marcher correctement dans les rues – ils étaient plutôt affalés dans un coin, habituellement. La particularité l’interpella, mais elle fit mine de rien, continuant à avancer doucement.
C’était un homme brun qu’il ne lui semblait pas connaître. Selene fronça les sourcils, redressant légèrement le fusil. Il l’observait. Méfiante, elle releva encore l’arme devant elle, et s’arrêta. Le regard acier sonda l’homme, glacial. A bien y réfléchir, elle l’avait peut-être déjà vu. Près de l’infirmerie, peut-être. Il devait faire partie de l’équipe de médecins…

Médecin ou pas, aucune raison ne pouvait justifier qu’il bloque sur elle de cette façon. Elle allait reprendre sa marche vers lui quand un coup de tonnerre gronda, bientôt suivi d’un éclair. Avec une moue de mécontentement, elle protégea le fusil sous son long manteau. Comme elle s’y attendait, une forte pluie se mit à marteler sol, bâtiments et hommes. Premier violent orage de l’automne. Elle n’esquissa aucun mouvement pour aller se mettre à l’abri. Par tous les temps, elle devait rester à la défense. Visiblement, l’homme n’était pas de cet avis. Selene planta sur lui des yeux étonnés, alors qu’il se dirigeait vers elle.
L’envie de le repousser et de s’éloigner la traversa. Mais il étendit sa veste au-dessus d’eux, pour les protéger des trombes d’eau. Gentleman… Même si elle était déjà bien trempée, pensa-t-elle en regardant ses boots baigner dans la boue. Elle distingua les mots à travers les sifflements du vent et les clapotis de la pluie, alors qu’il désignait l’archerie. La jeune femme hésita un instant, mais se résigna finalement à le suivre.

Ses boots claquèrent dans une dernière grosse flaque avant qu’elle ne referme la porte de l’archerie sur eux. Se secouant légèrement, elle sortit enfin l’arme de sa protection de fortune, et la posa contre un mur. Elle ôta également le long manteau de cuir qu’elle accrocha rapidement à un clou pour le laisser sécher. Puis elle avisa enfin l’homme. Il était plus grand qu’elle, et forcément plus carré. Et elle ne pouvait pas lui nier un certain charisme.
Selene planta de nouveau son regard acier dans les yeux de Gabriel.


- J’crois pas qu’on s’connaisse. Pourquoi t’es pas à la Fosse avec les autres ?
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Gabriel Krusemark

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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeMer 12 Nov - 19:51

>>L'archerie<<

Tandis que la jeune femme refermait derrière eux la porte de leur abri de fortune, Gabriel se demanda s'il était jamais entré dans l'atelier, et fit une rapide inspection des lieux. Il se retourna vers la jeune femme et de ses yeux « noirs comme des socos » il la regarda déposer son fusil dans un coin de l'atelier, enlever son long manteau puis le suspendre à une patère improvisée. Son allure semblait peut-être gracile, mais il ne fallait pas s'y tromper, ses gestes étaient précis et rapides. Elle se retourna vers lui. Ses yeux avaient la transparence de l'eau vive et étaient aussi clair que les siens étaient sombres. A l'extérieur la pluie s'intensifia. Il secoua sa veste quand la voix de la jeune femme vint trancher le silence de la pièce, ponctué par le martellement des gouttes sur le toit en tôle.

- J’crois pas qu’on s’connaisse. Pourquoi t’es pas à la Fosse avec les autres ?

La question avait fusé telle un trait. Neutre, assaisonnée d'une pointe de mépris glacé, sans doute pour la forme. Gabriel ne s'en émut pas. Il ébouriffa ses cheveux afin d'en dégager l'eau qui commençait à lui ruisseler sur la nuque et dans le cou, et posa sa veste.

- On a pas eu l'occasion d'se rencontrer, non. J'm'appelle Gabriel. Gabriel Krusemark.

Il fit quelques pas jusqu'à la fenêtre et se pencha pour jeter un coup d'oeil au dehors. Il « mouillait des chiens et des chats » sur Elvis Street. Sa visibilité était réduite par le rideau de pluie, battante sur le carreau. Normal qu'on l'ait assignée à la sécurité des habitants de la communauté, se dit-il, cette fille avait l'ait d'en connaître un rayon en matière de défenses.

- La fosse? Non. « Asteur » j'suis pas dans l'humeur pour m'prendre des bains d'foule, pour tout dire. « Ça fait » j'évite les endroits trop bondés.

Une ombre passa sur son visage, qui se dissipa aussitôt. Il ne savait pas s'il devait revêtir ou non le masque habituel, et étrangement, il lui semblait qu'il n'en avait pas besoin. Sa voix, à l'accent si particulier, n'en demeura pas moins égale.

- J'pense qu' tu dois comprendre ça mieux qu' quiconque.

Ce n'était visiblement pas une question. Il la fixa de nouveau. Ses yeux étaient définitivement remarquables, pensa-t-il. La jeune femme était globalement surprenante, tout comme leur rencontre.

-Et toi, tu dois être Selene, si j'me trompe pas?
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Selene

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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeJeu 13 Nov - 2:41

Selene s’était mise à tourner dans l’archerie, semblant inspecter ici et là un arc ou une table de fabrication. Mais elle restait à portée de voix. Son regard se reposa sur Gabriel alors qu’il s’ébouriffait les cheveux avec nonchalance. Gabriel Krusemark. Non, elle ne le connaissait pas.
Lui tournant le dos, elle recommença à marcher lentement. Malgré les apparences, elle portait une attention toute particulière à l’homme. Elle aurait pu continuer sa ronde dehors, sans être gênée par l’orage. Mais il l’intriguait. Elle prit en main un longbow terminé. Joli travail. Entendant le mouvement, elle se retourna pour voir Gabriel se pencher à la fenêtre. Elle leva l’arc devant elle, tendant la corde, ajustant son œil dans le viseur. Elle ne voyait plus que son dos.

Selene reposa l’arme, reprenant sa marche silencieuse. Il utilisait des expressions qu’elle ne connaissait pas. Bizarre, ce type. Ne le quittant désormais plus des yeux, elle se rapprocha de lui, se mettant cette fois à tourner autour de lui, baladant l’acier de ses yeux de haut en bas, comme pour le sonder. Elle ne lui répondait pas. Elle se contentait de tracer ce cercle imaginaire, observant le jeune homme, comme pour noter chacune de ses particularités. Son regard sombre était assuré. Il paraissait être comme elle… Silencieux, peut-être un peu solitaire. Selene pencha la tête à l’annonce de son nom.
Arrêtant enfin son manège, elle se dirigea à son tour vers la fenêtre. Le verre lui rendit son image dans un océan de buée. Ses cheveux trempés tombaient en bataille autour de son visage. Elle balaya la buée d’un geste de la main, regardant au dehors. Un immense éclair fit écho à l’étincelle de ses yeux.


- Comment tu me connais ?

Un léger sourire aux lèvres, elle s’assit sur le rebord de la fenêtre d’une petite impulsion, posant sa tête contre le carreau glacé. Vu comme c’était parti, possible qu’ils puissent rester un bon bout de temps.

- Et j’parle pas seulement du nom.

Elle eut une moue entendue, reprenant son examen. La situation aurait pu être largement plus désagréable. Plus que tout, c’était l’attirant regard sombre de l’homme qu’elle voulait observer.
Son sourire s’élargissant, Selene posa une nouvelle question, sans aucun rapport avec le reste. Pour juger les réactions de Gabriel, peut-être.


- T’aimes pas l’rock ?


Dernière édition par Selene le Lun 17 Nov - 18:21, édité 1 fois
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Gabriel Krusemark

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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeVen 14 Nov - 14:03

Gabriel regarda Selene s'approcher de lui. Leurs yeux ne se détachaient pas. Dans l'atmosphère lourde et électrique de la pièce, elle se déplaçait telle un félin, ses mouvements bien découplés, élégants. Sa proximité lorsqu'elle se fut hissée sur le rebord de la fenêtre le fit frémir, imperceptiblement. Elle lui sourit, et le sourire dont elle le gratifia l'aurait charmé, n'eût été cette pointe de cruauté qui l'accompagnait.

- T'aimes pas l' rock?

Gabriel la fixait toujours. Nulle émotion ne transparaissait de son visage. Puis il éclata d'un rire franc aussi soudain qu' inattendu, le libérant de la tension qui régnait. Son nom « s'adonnait » vraiment avec elle; cette fille était changeante comme la lune. Il réalisa qu'il n'avait pas ri depuis des mois, peut-être d'avantage. Sans qu'il n'y prît garde, un sentiment de bien-être l'avait envahi, subreptice. Et malheureusement, éphémère. Il se retourna vers elle, une main appuyée sur le replat, l'autre, ouverte devant son visage, massant rapidement ses tempes puis ses arcades sourcilières. Le sourire rémanent, faisant mine de chercher ses mots, il enchaîna. Ainsi esquiverait-il la réponse à sa première question.

- J' viens d' la Grosse Facile, t' sais. Et je s' rais pas un vrai Orléanais si la musique ne m' coulait pas dans l' sang !

Une pause. Le temps d'une avalanche de souvenirs sans doute. Le sourire disparut, le visage se ferma à nouveau. Gabriel tourna la tête vers la vitre, absorbé dans ses pensées. Geste circulaire de la manche et le hublot, creusé à travers la buée qui opacifiait les carreaux, fut ressuscité. Sa voix baissa d'un ton.

- Enfin ! Tout ça n' fait plus vraiment d' sens « asteur » qu'il n'y a plus que l' sable tout partout. Avec ses oasis...

Il porta un regard insondable vers la jeune femme. S'attarda sur son cou, long et droit, la ligne de sa mâchoire, ses pommettes hautes et saillantes et sa bouche finement ciselée. Il poursuivit dans un souffle, comme pour lui même.

- ... Et ses mirages « itou ».

Il fixa intensément la jeune femme, ses yeux acier le dardaient tel un blizzard de givre. Un mèche de ses cheveux se détacha sous le poids de l'eau qui ruisselait encore sur eux et vint barrer son visage. D'un mouvement rapide de sa main, action réflexe, Gabriel ramena délicatement la mèche à sa place, s'électrisant au contact de la peau d'albâtre. Ce n'était pas un tour des « Lois », non. Toute spectrale que fut sa présence, elle ne s'était pas évanouie, ni n'était partie en fumée. Il fit quelques pas pour attraper sa veste et en sortit une vieille blague à tabac en cuir souple et usé. La montrant à la jeune femme, il lui demanda:

- La cigarette ne t' gène pas, j'espère?
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Selene

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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeLun 17 Nov - 0:55

Un rire spontané fit hausser les sourcils de Selene. Amusée, elle regarda Gabriel se détendre. Certes, elle ne s’était pas attendue à cette réaction-là. Ce fut sans doute le seul instant où elle put l’observer en toute quiétude, sans qu’il ne s’en rende réellement compte.
Elle était toujours intriguée par les expressions qu’il utilisait. Et il n’avait pas répondu à sa question. Patiente, la jeune femme resta silencieuse. Le sourire de l’homme s’envola. Selene réprima une moue boudeuse.

Alors que Gabriel reprenait, elle tourna la tête vers l’extérieur. Les chemins étaient rendus extrêmement boueux par la pluie incessante. Elle posa un regard songeur sur les silhouettes incertaines des bâtiments alentour, rendus lugubres par l’orage. Plus loin, la Fosse résonnait encore certainement de la musique, des cris et des rires des habitants plus enclins à la socialisation. Et quelque part, sa propre tente était inondée des trombes d’eau. Tant pis.


… Et ses mirages « itou ».

La voix la fit brusquement ressortir de ses pensées. Les yeux bleus retournèrent sur Gabriel, qui semblait la regarder encore. L’ébène plongeait dans l’acier, trop sondeur, trop curieux. Trop différent. Selene eut un nouveau sourire, plus doux celui-là. La main masculine s’était approchée de son visage avant qu’elle puisse avoir conscience de la mèche de cheveux qui avait glissé. Poignant contraste que la chaleur de la main sur sa propre froideur. Elle regretta presque qu’il s’éloigne pour attraper quelque chose dans sa veste.

- Ça m’dérange pas, vas-y.

Elle ne s’intéressa pas au tabac qu’il tenait désormais. Observant tour à tour l’archerie et l’homme en face d’elle, elle ne put s’empêcher de remarquer intérieurement qu’il ne paraissait pas du tout à sa place. Il se détachait fortement de l’environnement. Il n’avait pas l’air d’un combattant. Sa personne tout entière dégageait quelque chose de bien plus mystérieux, presque mystique. Loin d’être à sa place, il l’enlaçait alors d’une certaine douceur. Inconsciemment peut-être, il était revenu près d’elle. Selene fit courir un doigt sur la joue de Gabriel en une légère caresse. Une petite perle sucrée sembla voler jusqu’à elle.

- Tout ceci n’est que trop réel. Tu es un mirage, toi ?

Elle écarta sa main, le regard plus étincelant encore. Il avait quelque chose de fascinant.

- T’as pas répondu à ma question.

Le ton vide de reproche, mais qui entendait tout de même à obtenir une réponse. Elle ne se détacherait pas de lui avant de savoir.
Il fallait le connaître.
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Gabriel Krusemark

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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeJeu 20 Nov - 19:23

La caresse l'électrisa plus violemment. Il ne s'y attendait pas. Pas plus qu'à la « rupture » qui allait suivre. Il savourait chaque seconde de ce contact. Leur regard ne se quittait plus. Un frisson le parcourut, remontant le long de son échine jusqu'à sa nuque, et l'espace d'un instant, il fut hors de tout. Envolée la communauté, disparu le sable, les sons, rendus muets et le temps lui même, semblant s'être figé. Il ne restait plus que la jeune femme et Gabriel devant elle. Leur peau semblait s'être prise l'une dans l'autre, comme au contact du givre.
Le doigt sur sa joue avait laissé une brûlure dans son sillage. L'impression de chaleur vive s'intensifia et s'étendit à son corps tout entier, il s'embrasait de l'intérieur. Comme un fugace état de transe. Comme si « Ogoun-La-Flambeau » lui « montait la tête ». Tout à coup les battements de son coeur, dans sa poitrine et contre ses tempes, emplirent sa tête toute entière et résonnèrent dans ses tympans. Pas maintenant ! Maudit Diable, pas maintenant ! Puis une vibration. Répétée. Sa voix à elle. Le décor réapparut soudain. Blême et sale, la pluie toujours battante, et Selene toujours devant lui, spectre dans la lumière surnaturelle de la pièce. Il cligna des yeux.


- T’as pas répondu à ma question.

Il attrapa au vol la main de la jeune femme qui se retirait. La peau laiteuse n'était pas celle de qui passe son temps en combat ou à manier des armes; elle était incroyablement douce. Christ! S'il avait imaginé un seul instant qu'en partant rechercher un peu de solitude, il en arriverait là... Qu'est ce qui lui avait pris? Depuis son réveil dans le désert, trop de choses était restées en suspens, menaçante épée de Damoclès. Il le savait. Comme il savait qu'il devait rester sur ses gardes. Et voilà qu'il se tenait devant cette jeune femme, attirante, vénéneuse comme « l'herbe du diable ». De laquelle il se sentait étrangement proche, sans qu'il pût se l'expliquer. Il s'approcha d'elle. La « rupture » était imminente.

- Pas... Maintenant !!!

Ces derniers mots, qu'il destinait à lui seul, avaient fusé pleins de colère et sans même qu'il ne s'en rendît compte. Puis son expression avait changé. Son visage, fermé presque grimaçant. Le regard, encore plus noir dans la pénombre. La voix basse et le ton se firent plus secs, inquiétants. Et d'autres mots jaillirent, moqueurs, malveillants et obscènes.

- Il s'damnerait pour qu' tu continues à l'caresser, tu sais cela n'est-ce pas, tueuse? Tu as bien vu comme il te désire !?

Il s'approcha d'avantage encore, et vint lui chuchoter à l'oreille, comme pour lui confesser quelque pêché. Selene, abasourdie par les propos de Gabriel, ressentit immédiatement que d'autres choses n'allaient pas chez lui. En raison, sans doute, de la chaleur confinée qui régnait dans l'archerie, la température de son corps avait pris quelques degrés. Effet d'optique, sans doute encore, mais il lui semblait plus grand. Et cette odeur opiacée qui parvenait maintenant aux narines de la jeune femme, rajoutant à la confusion qui agitait tous ses sens? Etait-elle en train d'halluciner?

- Il s' damn'rait pour qu'tu l'étreignes, tu l'sais bien Selene? Un mirage, crois tu? Une illusion faite chair, peut-être !? Peut-être n'est-il que cela pour toi... Eloigne toi, éloigne toi de lui, tueuse. Il est nôtre !

Le souffle chaud d'un long soupir vint caresser la nuque de le jeune femme... Il avait beau avoir murmuré, la voix devenue plus rauque avait résonné dans la pièce... Brusquement il s'éloigna d'elle, et l'espace d'une seconde, il fut accoudé contre le rebord de la fenêtre, la tête dans ses mains, haletant. C'était à n'y rien comprendre... La pluie battait de plus belle au dehors, intarissable elle martelait la toiture. Les carreaux étaient recouverts d'une buée épaisse. Il semblait être de nouveau lui-même... Un long moment de silence. Puis il se décida enfin à rouler sa cigarette. Il avait failli perdre le contrôle. En même temps, elle n'avait pas bougé, et le regardait toujours...


Dernière édition par Gabriel Krusemark le Ven 6 Fév - 3:19, édité 1 fois
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Selene

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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeSam 22 Nov - 2:30

Patience…
Sa question ne fut pas immédiatement suivie d’une réponse. Gabriel semblait réagir au ralenti. Plus d’horloge pour dévaster le temps… Selene s’était presque figée, observant ses yeux changeants. Sa main flottait, presque irréelle, à côté du visage de l’homme.

Un violent éclair gardien de déchirure, et sa main fut attrapée par celle de Gabriel, avec une tendre violence.
Instantanément, l’acier emplit les yeux tout entiers, ne laissant plus aucune place à la pupille. La peau était brûlante, le courant électrique vint à elle, filant à toute vitesse dans le bras, envoyant une décharge jusqu’au cœur. Les battements se firent plus lents, réguliers. Il n’était plus lui-même. La colère avait explosé malgré lui. Cette voix n’était pas sienne. Selene resta silencieuse, l’azur étincelant de ses yeux dirigé sur lui, ils n’avaient plus le droit de s’en détacher. Les premiers mots fusèrent, semblables à une litanie de Satan. La pièce était trop sombre, l’atmosphère était trop pesante et ses yeux de macassar, la voix était trop lourde trop rauque, chuchotement, démon !

Selene sentait son cœur cogner contre sa poitrine avec brutalité, comme voulant sortir. Il s’était rapproché, venant murmurer à son oreille, pour l’effrayer sans doute. Il faisait trop chaud. « Eloigne-toi de lui, tueuse… » Mais comment pouvaient-ils la connaître ? « Il est nôtre ! » Mais qui étaient-ils ? L’opium lui montait aux narines, piquant. Etourdissant. Elle sentit le souffle lui incendier la nuque, puis il s’éloigna brusquement. Dans un rude mouvement – réflexe – de recul, la jeune femme se cogna l’arrière du crâne contre la vitre glacée. Le bruissement de la pluie revint soudainement à ses tympans, la pièce redevint réelle. Le fantôme du maintenant-à-venir ondulait dans l’air. Selene regardait Gabriel, qui roulait désormais sa cigarette… Inconscient de ce qu’il avait dit ?

Se massant doucement la tête, elle força son esprit à se calmer, ses yeux toujours beaucoup trop illuminés. L’homme semblait avoir retrouvé son état normal. Elle fronça les sourcils, chaque image, chaque son, chaque odeur revenant à sa pensée. Elle avait perdu le contrôle de la situation. Ses mains tremblaient encore. Mais il ne devait pas le savoir.


- Je ne m’éloignerai pas.

Elle ne répondait qu’à l’injonction de la voix. « Eloigne-toi de lui, tueuse… » Pourquoi le ferait-elle ? Elle n’obéirait pas à ces puissances dont elle ignorait tout. Après un long moment, où tout ne fut qu’immobilité et silence, Selene descendit enfin du rebord de la fenêtre. Elle se remit à tourner lentement autour de Gabriel, son regard reprenant peu à peu une teinte ordinaire, quoi que toujours envahie d’une étincelle inhabituelle.
Gabriel, le mystérieux… Quelque chose de puissant l’habitait. Quelque chose qui la dépassait fortement, qui le dépassait peut-être lui-même. Ou qu’il pouvait maîtriser parfois. Sa colère avait été témoin de son désir de ne pas perdre le contrôle.

Elle était désormais dans son dos. Une main blanche glissa sur son épaule. L’autre main, comme plus curieuse, descendit sur le torse de l’homme. Presque prisonnier. La désirait-il vraiment ?
La joue de Selene frôla celle de Gabriel alors qu’elle venait lui murmurer.


- Dis-moi qui tu es. Ce qui t’habite. Parle-moi de toi, illusion. Je ne m’éloignerai pas…
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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeDim 23 Nov - 20:24

>>L'archerie - part II<<

Avait-il réellement gardé le contrôle?

Les mots de Selene parlaient d'eux-même et, après réflexion, l'état dans lequel il était confirmait également ses doutes: il n'avait pas réussi à endiguer la brêche, à éviter la rupture. Une vague de peur, mêlé de révolte, de désespoir et d'amertume s'abattit sur lui. Il se ressaisit aussitôt et en observa le flux, puis le reflux. Depuis son plus jeune âge, Margaret lui avait enseigné comment regarder en lui pour appréhender ses émotions. Comment les identifier et comment les nommer, car du nom que l'on donne aux choses, naît le pouvoir que l'on a sur elles. Comment les observer sans les laisser cristalliser. Il avait laissé une grande part de lui-même dans cet apprentissage mais sa condition de « réceptacle » imposait cette discipline, cette ascèse. Là où les émotions s'installent, là se lovent et se repaisssent les émanations de l'invisible. Là se créent les brêches à travers lesquelles les « Lois » se manifestent.


Il regardait Selene intensément, comme pour lui exprimer tout cela, sans que les mots ne franchissent sa bouche, sans qu'ils ne prissent corps.

Quand elle s'approcha de lui, il ressentit avec force le magnétisme de la jeune femme, ébranlée mais avec cette volonté, toujours intacte. Que s'était-il passé qui avait échappé à Gabriel. Et pourquoi s'étaient Ils manifestés à elle. Il craignait que cela ne restât pas sans conséquence.


Sursaut. La main de Selene sur son épaule; elle était maintenant derrière lui. Soudain son autre main vint se poser sur sa chemise « dépotraillée », et amorça une caresse le long de son buste. Puis se fut le contact de sa joue sur la sienne. A nouveau cette tension entre eux, mais maintenant canalisée par la douceur des gestes de la jeune femme, et par ses mots. Depuis le crash et son éveil dans le désert, il n'avait pas été enlacé de la sorte. Il avait bien eu quelques occasions qu'il avait subtilement esquivées. Mais les choses étaient fort différentes « asteur ». La tête de Gabriel bascula lentement en arrière. Comme il était bon de se laisser aller au moment présent. Avec elle. Il murmura.


- Selene. Je... ne...

Il se retourna vers elle. Délicatement ses mains suivirent le contour du visage de la jeune femme, le dessin de ses pommettes, saillantes, comme pour en garder l'empreinte.

- Christ!...

Dans un souffle il rapprocha alors son visage de celui de Selene puis, comme une délivrance, salvatrice, ce fut le contact envoûtant de leurs bouches, qui s'effleuraient.
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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeMer 26 Nov - 1:55

Mystères éveillés dans une pièce noircie…
La même décharge, le même courant électrique. Mais elle l’avait provoqué, cette fois. A travers sa main, de ce qu’il avait en lui semblait venir à elle. Elle ferma les yeux un instant. Il était une âme torturée, pleine de trésors cachés. Elle ne pouvait pas comprendre ce qu’il avait voulu lui dire par le regard, et pourtant…

Selene rouvrit les yeux alors que Gabriel murmurait. Il hésitait. Bredouillait.
Puis il se retourna vers elle. Légèrement surprise, presque figée, la jeune femme laissa les mains masculines dessiner son visage. Ses yeux ne disaient que trop qu’il transgressait les règles des « Lois ». Il marchait hors du couloir du temps d’un asservissement divin. Eloigne-toi de lui, tueuse… Elle restait immobile, l’acier captivé par le visage sombre, les yeux noirs et les traits maintenant trop précis. Eloigne-toi de lui, tueuse… Mais elle ne pouvait pas ! Tourmentée par son charme, encerclée comme une proie à son tour. Elle entendait l’appel invisible, venir dans ses bras, rester sous leur fascinante emprise…


- Christ!...

L’exclamation fit éclater de nouveau la lumière de ses yeux, et ainsi une étrange nouvelle mélodie se déclara, des fantaisies aiguisées par le voile de son âme et dansées par ses lèvres. Ses lèvres qui rencontrèrent celles de Selene en un hurlement argenté. Profanation au-delà de l’hérésie. Il n’avait pas le droit. Elle devait reculer. Mais elle ne le fit pas.

La caresse trop douce de sa chair à la sienne, et elle lui rendit le baiser aux gouttes sucrées, alors que la main toujours posée sur le torse partait en une exploration inconsciente. Plus de barrières, plus d’interdits. Plus rien autour d’eux, plus d’archerie, plus de ville, plus de temps. Juste la douceur réprimée. Et là-haut, l’Etoile sans nom, spectatrice de leur destin fugace… Il n’y avait que son contact brûlant, son parfum chaud qui enivrait, et dehors, le bruit de la pluie, de cette eau qui contenait les secrets…


« Eloigne-toi de lui, tueuse ! »

La voix résonna plus fort, plus violente. Selene appuya involontairement sur le torse de Gabriel, mais l’autre main glissée dans son dos le retint à elle. La voix ordonnait, la femme désobéissait.
De nouveau, une joue glissa contre celle de l’homme en un suave frôlement. Le regard empli d’acier, étincelant. Elle restait contre lui. Et elle aussi n’était plus que murmure.


- Tu es un fils du Chaos…
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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeMer 3 Déc - 4:46

Leur étreinte était telle un havre au milieu du tumulte. Rien ni personne n'eût pu les atteindre, pas même les « Lois ». Et rien ne comptait plus que ce baiser. Gabriel se sentait le centre d'un « tornado ». Puissant. Galvanisé par la caresse de leurs lèvres. Par l'orage né de ce contact. Un orage, magnétique, qui éclatait dans son corps tout entier, le traversait de part en part... La main de Selene courait sur son torse. A travers l'étoffe encore humide de sa chemise le toucher pourtant glacial de la jeune femme embrasait chaque parcelle de sa peau. Explosion des sens...

... puis instant de retenue: l'acier et l'onyx s'abîmèrent dans la contemplation l'un de l'autre. Gabriel crut percevoir une mise garde lointaine. Injonction des « Lois »...? Non ! Il les repoussa de toutes ses forces, et comme en écho à cela, Selene resserra son étreinte. Les ressentait-elle, elle aussi? Il en eut l'impression. Nouveau frissonement au contact de la peau d'albâtre sur sa joue. Et au souffle de la voix sur son oreille. Une affirmation bien plus qu'une question.


- Tu es un fils du Chaos…

Il se figea. Elle avait vu. Elle l'avait vu perdre le contrôle. Il hésitait à lui parler, tiraillé entre le sentiment qu'elle le comprendrait et sa réserve, qui lui dictait de se méfier. Après tout il ne la connaissait pas. Mais elle se trompait et il ne voulait pas la laisser se leurrer à son sujet...

-Regarde autour de toi, Selene. Nous aut' sommes tous les enfants du Chaos... Du Dézod comme on l'appell... comme on l'appelait d'ayou j'viens.

De façon inattendue, il se prit à redouter qu'elle le jugeât mal. Mais comment lui expliquer. Qu'enfant du Chaos, tous l'étaient ici bas. Tout comme l'Ordre en était le fils ingrat, celui qui tente d'imposer son règne au Mouvement, à la Vie. Comment lui expliquer qu'il servait les « Lois » des deux mains. Comment lui dire la dualité entre son « Met-tet » et Kalfu Ge-Rouge, son « loi-racine », lourd et sombre héritage qu'il tenait de ses parents, et des choix de leurs parents avant eux... Lui expliquer qu'il était « gagé » ne signifierait rien, car il ne l'était pas par choix. Et l'apocalypse n'avait malheureusement pas essuyé la dette de ses aïeux...

Il la prit doucement par les épaules, laissant ses mains s'attarder sur le départ de son cou, et plongea ses yeux en elle... Des images, par vagues, lui passèrent à travers la tête, alors qu'il concentrait toute son attention à la jeune femme, à son regard, à son âme. Si elle les entendait Eux, peut-être serait elle capable de le ressentir et de le percevoir, lui... Et qui plus est, elle voulait savoir. Il allait satisfaire à sa curiosité. Au noir de ses yeux se mélèrent peu à peu des teintes changeantes. Un clair obscur. Un crépuscule. Les étoiles dans la nuit noire, la lune à la croisée des chemins.


Tourbillon d'images, d'odeurs, de sons. Un décor se planta. Il revit son initiation, l'exaltation de son premier « kanso », première confrontation à l'invisible. Autre instant. Il revit le départ de son père à la guerre, et la tristesse qui s'ensuivit. La noire nuit et inespérée du retour paternel, accompagné d'un autre soldat, effrayé mais comme privé de volonté. Sous une lune gibbeuse et rousse, les cris du sacrifié retentirent, qui le hantèrent de longues années durant. Flash encore sur son horreur muette, lorsqu'il découvrit le corps de Margaret, la poitrine ouverte, un vide béant laissé par le coeur qui lui avait été arraché.

Sans ciller, il se focalisa d'avantage. Bruit de psalmodies. Le son des hountos et des boulas, les tambours de cérémonie. Avec le son, d'autres images. Le rite. Les couleurs brun, noir et rouge du « couche kanso », l'ensevelissement symbolique. Les sept jours. Les sept nuits. Puis le « leve kanso », où il fut délivré de la terre. Renaissance suivie du baptême. L'odeur entêtante des herbes narcotiques jetées dans les braséros du « djevo » les nuits précédents le « bat-ge », le rite de purification.

Flashs à nouveau. Sur l'instant unique de son éveil: le « manje tet' », au cours duquel les « Lois » le chevauchèrent pour le première fois. Transes. Arrêt sur la cérémonie qui le confirma « su pwen ». Où il fut élu par Grand Bois, son « Met-tet », Loi élémentaire des remèdes, des arbres, des lieux sauvages et des herbes. Autre temps, autre lieu, la fin du parcours initiatique et comment lui fut transmis « l'asson », symbole de son aboutissement, de l« asogwe » qu'il était devenu.

Puis tout lui sembla vain. Vain et insensé. Les images s'estompèrent. A quoi bon la mêler à tout cela. Ils faisaient partie de deux mondes différents. Qu'elle pût l'appréhender était une chose, mais il ne voulait pas prendre le risque de la mettre en danger, non ! Il avait déjà bien du mal à se protéger de lui-même. Pour l'heure il ne voulait que profiter de l'instant. Les images cessèrent complètement de défiler dans son esprit. Ils n'étaient que tous les deux, dans cette archerie, rien d'autre n'avait d'importance. Et s'il prenait aux « Lois » l'envie de réclamer leur dû, et bien il garderait cet instant avec lui, à jamais. Alors que ses pensées l'assaillaient, on eût dit que son regard s'était soudain embué. Il enlaça Selene à nouveau, plus fermement. Elle aussi semblait mal à l'aise et désorientée. Lui volant un second baiser, il laissa courir ses mains sur la nuque de la jeune femme et le long de son dos.
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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeJeu 18 Déc - 1:55

Tous enfants du Chaos…
Bien sûr que Chaos était à l’origine de tout, et père de tous. Gabriel avait-il mal compris ce que Selene avait tenté de lui dire ?

Sans doute. Son attitude changea peu à peu. Il prit la jeune femme par les épaules, fixant un regard intense sur elle, en elle. Une brise glaciale s’empara soudainement de Selene, alors que seules les mains posées sur elle continuaient à transmettre de la chaleur, comme une brûlure. Elle leva la tête vers le plafond sombre, prise de court, presque apeurée. Des formes invisibles semblaient courir et tourner dans la pièce. Flashs, visions fantomatiques, la porte claqua violemment, et son regard se retrouva absorbé par celui qui lui faisait face.
Torturé. Comme elle. Il avait vu ses parents mourir, peut-être. La vision furtive d’une silhouette féminine qui tombe à terre, devant un bâtiment en flammes. Puis le dernier regard d’un homme, lui aussi vaincu, s’endormant dans son propre sang.

Les yeux noirs continuaient de faire défiler des images, trop rapides. Mais elle ne comprenait pas. Elle ne pouvait pas comprendre. Il ne faisait que lui rappeler à elle des souvenirs lointains, des choses qu’elle avait voulu oublier.
L’enrôlement, les Death Dealers. Alors que Gabriel vivait son initiation. Les meurtres sanglants, alors qu’il était purifié. Viktor, alors qu’il sentait ses maîtres, les Lois qui l’habitaient. Elle l’avait tué elle-même.

Le défilement s’arrêta brusquement, à la volonté de Gabriel. Il s’était arraché à ces mirages du passé, arrêtant par la même ceux de Selene. L’acier, désormais moins indifférent, ayant perdu toute froideur, toisa l’homme. Le regard noir s’était embué. Elle devait partir. La brise glaciale continua de souffler en elle, désagréable, jusqu’à ce que Gabriel l’enlace une nouvelle fois, différemment, comme pour l’empêcher de fuir. Brûlure, cri. Il l’embrassa à nouveau, parcourant de ses mains bienfaitrices son dos et sa nuque.
Mais la situation était trop folle. Avec violence, Selene repoussa le jeune homme, manquant de le faire tomber en arrière. Elle ne le connaissait pas. Ne lui restait que cette étrange sensation d’avoir vécu des parcelles de son existence, comme spectatrice impuissante de ses blessures. Elle porta ses mains à ses tempes, baissant la tête, fermant les yeux. Calmer les battements trop rapides de son cœur, faire revenir le silence…

Le silence…

Lentement, elle releva la tête. Ses yeux envahis d’une teinte inhabituellement sombre se posèrent sur la fenêtre. L’orage n’avait pas cessé. Un regard vers la porte.
Puis l’acier revint sur Gabriel. Etonné, peut-être. Sa réaction avait été brusque. La jeune femme revint doucement vers lui, reprenant ses esprits à mesure de chaque pas. Elle prit la main de l’homme dans la sienne, le faisant revenir avec elle vers la fenêtre. Selene se rassit sur le rebord, ne lui lâchant pas la main, qui lui apportait cette chaleur singulière, presque apaisante. Elle regardait désormais au dehors, observant d’un œil absent la pluie battante marteler le sol. Puis la voix s’éleva en un murmure, comme pour elle-même.


- J’comprends pas…
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MessageSujet: Re: Blessed persistence   Blessed persistence Icon_minitimeVen 6 Fév - 4:34

Sous la poussée de Selene, étonnement forte, Gabriel était parti en arrière manquant de se retrouver au sol. Il rétablit son équilibre et une lueur noire parcourut ses yeux.

Les tambours de «Hounto» résonnaient dans la pièce. Son visage se figea instantanément en une expression perverse, le pouls battant haut et fort contre ses tempes. Les «Lois» étaient là à nouveau. Il entendit le halètement suave d' «Erzulie Ge-Rouge» à ses oreilles, suscitant un violent désir pour la jeune femme qui se tenait à quelques pas de lui... Il était là, à quelques pas de Selene qui le dominait, provoquant chez le jeune homme une excitation violente, quasi morbide. Le corps de Gabriel fut parcouru de violents frissons, presque extatiques. Et «Erzulie Ge-Rouge» qui continuait sa litanie, sexuelle et fanatique.

«Kalfu», lui, ne désirait rien d'autre qu'une offrande et l'appel du sang se fit de plus en plus fort, palpable. Il martelait le coeur de Gabriel, sourdait dans ses entrailles... «Kalfu» encore, qui lui intimait de ruser. Selene était bien plus aguerrie au combat que Gabriel ne saurait sans doute jamais l'être... Il lui faudrait ruser, oui. Se glissant dans sa poche arrière, à la recherche du sachet de poudre qu'il avait toujours sur lui, sa main rencontra l'étoffe contenant l'Endormeuse pilée. Son regard se para d'une brillance toujours plus malsaine et sa lèvre supérieure se retroussa, découvrant un rictus gencivé et prédateur. Puis les tambours se turent.

Le silence toujours. Ponctué par la pluie au dehors. Par le bruit de sa propre respiration. Choqué, Gabriel sortit rapidement sa main de sa poche. Malgré son état second, une pensée s'imposait à lui. Il lui fallait fuir cet endroit. Quitter au plus vite cette proximité si dérangeante. Cette proximité qui le troublait plus qu'il ne l'aurait cru en entrant dans l'archerie. Selene se rapprocha alors de lui, enserrant la main du cadien, la main qui, un instant plus tôt, manquait de s'emparer de l' «Herbe-du-diable». A nouveau le magnétisme des deux jeunes gens se mêla, s'entrechoqua avant de résonner à l'unisson.

Selene... Encore une fois elle semblait si lointaine, si désemparée, à l'instar de l'orléanais qui revenait peu à peu à lui, reprenant le contrôle aidé sans qu'il s'en rendit compte par la présence de la jeune femme magnifique. Magnifiquement dangereuse, Magnifiquement fragile sous le masque. Ce masque auquel il ne manquait rien pour qu'il ne fût à jamais inamovible... Tout cela était trop pour lui. Tout cela n'était que folie.

Il se retourna vers la jeune femme qui murmurait à présent, perdue dans ses pensées, leurs mains toujours l'une dans l'autre.


- Il n'y a rienqu' à comprendre, Selene. Nos... nos mondes sont tellement différents... Et je n' veux pas laisser ce chaos nous réunir dans la haine, non...

Tout cela n'était que folie. Portant la main de la jeune femme à sa joue comme pour en éprouver une dernière fois la douceur, il finit par y déposer ses lèvres. Le contact soyeux l'acheva et une vague immense de tristesse s'abattit sur lui, le terrassant, sans qu'il n'en comprît une nouvelle fois la raison.

Le temps semblait s'être figé. Et lorsqu'il se retrouva au dehors, la porte de l'archerie se refermant derrière lui en un claquement sec et implacable, la pluie martelait toujours le sol de Ramdam. La pluie qui ruisselait maintenant sur lui, glaciale, purifiant son âme. Nettoyant la noirceur, le délivrant du regret, de ces pulsions. La pluie roulant sur ses joues. A moins que ce ne fussent des larmes...
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