Une immense tente circulaire, protégée par des moustiquaires qui n’avaient guère d’utilité en ces temps glacials.
Au centre, un grand feu de bois. Il réchauffait la pièce et l’éclairait faiblement. Disposées plus loin, les bûches qui servaient à l’approvisionner. Une quinzaine de lits usés par le temps se dispersaient un peu partout. Dessus, des couvertures sales et trouées. Gisaient parfois des restes de repas inidentifiables. Le sol était recouvert d’immondices, jusqu’à en faire oublier à certains endroits qu’il existait du sable. De la vaisselle antique carbonisée, crasseuse, des cadavres de bières ou de quelconques alcools, des munitions inutilisables, de la poudre, d’immondes liquides répandus de façon anarchique, diverses drogues. Et d’autres déchets apportés de l’extérieur par le vent, ou produits par des bêtes étrangères.
Les tables qui avaient pu servir à établir des plans de batailles avaient été rongées par de probables termites. Les vieilles chaises gisaient à terre, certainement désormais incapables de supporter le poids d’un homme. Le charbon des cendres avaient griffé de noir de nombreux recoins de la tente.
Bref, le Quartier Général des Ecorcheurs était en réalité un véritable nid à ordures.
Et à force d’y passer plus de temps que de raison, Selene avait fini par ne plus supporter les lieux.
Depuis le reproche de Greg, elle n’en sortait plus que lorsque c’était nécessaire. Elle savait que la plupart des Branleurs n’osaient pas franchir les limites du quartier des Ecorcheurs. Elle récupérait les gardes de nuit auprès d’Aaron, passant alors ses journées isolée dans la tente. Tente qui, elle le constatait depuis le matin même, était invivable.
Encore plus depuis le retour de la pluie. Une grosse mare de boue commençait à se former à l’entrée, menaçant elle aussi d’envahir le reste de l’habitat.
Selene se leva subitement, donnant un coup rageur dans une casserole rouillée. Le récipient valsa à l’extérieur. La jeune femme resta immobile un instant, le regard fixée à l’endroit où la casserole avait disparu. Après tout, un nettoyage complet ne pourrait pas faire de mal.
Elle ôta d’abord toutes les couvertures des lits, et les jeta dans le feu, dehors. Brûler toute la tente aurait été quelque peu radical comme ménage… Selene se résigna à se rendre à la réserve, pour emprunter un outil – certainement trouvé par les matosaures parmi les tas qu’ils remuaient à longueur de journées –, et en profita pour reprendre quelques grosses couvertures de laine. Elle les abandonna sur un banc, devant l’antre, pour ratisser grossièrement l’intérieur. Tous les gros déchets furent évacués. Vaisselle inutilisable, bouteilles vides, tout ce qui méritait de retourner dans les tas à détruire. Elle prit soin de séparer les munitions et la poudre du reste. Les tables et les chaises de bois furent à leur tour jetées dans le feu, qui grossissait dangereusement, mais que la pluie maîtrisait quelque peu. Enfin, pour le reste du gros œuvre, elle ramena du sable d’un endroit quelconque pour le disperser, afin de faire disparaître les traces douteuses de liquide.
Les couvertures propres furent reposées sur tous les lits, débarrassés de leurs saletés. Pour récupérer quelques gamelles, elle pourrait demander aux matosaures. En revanche, pour d’éventuelles nouvelles tables, il faudrait attendre l’aide d’un autre Ecorcheur.
Mais l’ouvrage était déjà plus appréciable. Un minimum de propreté avait pu renaître, rendant un semblant de gloire aux lieux. Le regard de Selene fut attiré par un objet étrange, près du tas de bûches. Elle ramassa un drapeau orné du signe de feu l’Acid Nucléik.
L’Acid… Elle ne les avait pas connus, mais en avait tant entendu parler. Ils semblaient avoir été respectés, eux…
Le drapeau déchiré effectua la rencontre avec les flammes. L’Ecorcheuse le regarda brûler, inexpressive. L’activité lui avait rendu un peu de vie.
Il n’y avait rien d’autre à faire, de toute façon.
L’impression d’être faible…
…impuissante.
Dim 11 Jan - 2:35