Hypothermie...

En temps normal ça avait la délicatesse et la légèreté d’une plume duveteuse, mais propulsé par ce vent du nord c’était comme si vous vous preniez l’explosion d’une vitre en plein visage. Tranchants, douloureux, aveuglants, inévitables…
La température avait énormément chuté depuis quelques jours. Le paysage avait perdu toutes couleurs, toute notion d’espace, il n’était plus que blanc à perte de vue, même la ligne d’horizon s’était effacée.
L’hiver était là et engloutissait tout sur son passage. Il recouvrait avec douceur les cadavres à l’extérieur de l’enceinte alors qu’il semblait prendre un malin plaisir à mordre cruellement les vivants.
Ni les 3 couches de pulls, ni les gants de laines, ni la couverture la recouvrant de la tête aux pieds ne semblaient l’arrêter en haut de cette imposante tour de guet. Comment au temps jadis les gardes des châteaux forts faisaient-ils pour tenir face à de si rudes conditions ?

Les bouts de ses doigts logés sur la cross et la gâchette brûlaient horriblement. Ca faisait tellement mal qu’elle en aurait pleuré. Elle avait beau souffler l’air encore chaud de son corps au travers des mailles de la laine, rien n’y faisait. C’était comme si son sang n’avait plus accès aux extrémités de son corps.
Il fallait tenir…
Même la pointe de ses cils s’était cristallisée, rendant chaque battement de paupières plus lourd à chaque fois. Ses lèvres étaient cassées, saignantes, il fallait qu’elle cesse de les humecter. Elle avait beau se le répéter, le geste restait tenace, même le goût de cette graisse animal posée en couche épaisse n’arrivait pas à l’assagir.

A cause ou grâce à ce temps pourri, les gardes étaient plus courtes, mais il fallait tenir...
Et même si ce vent brouillait la scène qu’elle scrutait maintenant depuis des lunes et qui semblait ne plus ressembler à rien, il fallait rester vigilante. Il fallait tenir…
La peur de mourir dans de telles conditions de souffrance pouvait rendre plus d’un complètement fou, et si il fallait faire feu sur ces pauvres bougres c’était presque de la main de l’ange de la miséricorde en personne que leur sang venait empourprer ce rien au dehors.
Il ne fallait pas dormir, jamais ! C’était la règle, tenir, il fallait tenir…au moins jusqu’à la relève.
Heureusement les pensées, elles, restaient chaudes, vivaces et vivantes malgré cette mélancolie qui rongeait les âmes comme les coeurs. Malgré le bruit de ses dents qui s’entrechoquaient, le voyage de son esprit continuait ses mouvements amples immunisé de cette pétrification physique. Ca l’aidait à passer le temps. Ce temps qui vous file entre les doigts quand vous cherchez désespérément à le retenir et qui se fixe irrémédiablement quand vous aimeriez qu’il coure à en perdre haleine.

Père, mère…que devenez-vous ?
Avez-vous accepté la folie et l’égoïsme de votre enfant ?
Avez-vous renié cette chair, ce sang qui est le vôtre et que vous avez tant chéri ?.....
Père, mère…me pardonnerez-vous un jour ?...

Neige, froid, glace, tourmente hivernale... C'était devenu leur lot quotidien à tous. Bravant le gel, les fouineurs continuaient à gratter la couche brillante qui recouvrait le tas d'ordures. Malgré leur acharnements, ils n'avaient pas l'impression qu'il diminuait.
Lasse d'avoir les doigts gelés, Keira s'était arrêté de trier ce que lui ramenait Madhy. Avec sa main handicapée, elle n'était plus bonne qu'à ça... mais au moins, elle faisait quelque chose de ses journées... Et puis avec ce froid, elle avait eu la bonne surprise de trouver que l'odeur nauséabonde était beaucoup moins forte et collait moins à elle.
Voulant faire une pause, elle décida d'aller se chercher un truc chaud à boire, histoire de se réchauffer un peu.
Levant les yeux vers le mirador, elle aperçut la silhouette de Cendre-Lune. Ainsi c'était son tour de garde. Elle devait se geler les miches là-haut. Faudrait peut-être que quelqu'un lui apporte un truc pour se réchauffer.... Ce serait pas bien malin que leur vigie s'endorme là-haut alors qu'il y avait une alerte à donner. Ce n'est pas qu'elle doutait des qualités de la jeune femme mais tout le monde était humain... et rester ainsi immobile dans ce froid n'était jamais très bon...

Quelques instants plus tard, elle monta lentement et avec difficulté l'échelle de la tour. Arrivée au sommet, elle s'arrêta un instant pour reprendre son souffle. Pas facile de grimper avec une main inutilisable et une tasse pleine. Mais, elle y était parvenue et semblait contente d'elle. Sa tenacité naturelle avait encore fait des miracles.
Faisant un peu de bruit, un raclement de gorge, (il ne faut jamais surprendre quelqu'un sur le qui-vive, surtout avec une arme prête à agir) elle s'avança vers Cendre-Lune, lui tendant la tasse fumante.

- Tiens... J'ai pensé que ça te réchaufferait un peu... Je l'ai fait bien bouillant pour que ça reste chaud plus longtemps... C'est une infusion...J'ai pas trouvé de café...

Pour une fois la structure pouvait bien trembler sous le poids d’une personne gravissant l’échelle, il était impossible qu’elle le ressente aujourd’hui, le vent couvrait le moindre son et ses sens eux mêmes s’étaient peu à peu engourdis. Quand elle l’entendit se manifester pour ne pas la surprendre, elle s’agrippa à son arme comme si elle venait de se réveiller. Elle avait beau faire, sa vigilance était amoindrie par les conditions déplorables que l’on avait à cette hauteur.
Keira ?
Pas encore la relève…
Une pointe de déception et elle s’humecta encore les lèvres sans s’en rendre compte, malgré tout elle lui sourit avec chaleur en s’efforçant de ne plus claquer des dents. Venir par ce temps et avec une si touchante attention méritait bien un petit effort.
Elle retira les doigts complètement figés de la gâchette et tendit une main tremblante vers le gobelet, non pas sans quelques grimaces.
Mais à peine l’eut-elle saisit du bout des doigts qu'elle poussa une plainte entre ses dents avant de ramener sans ménagement le gobelet fumant vers elle pour le poser sur sa cuisse. Le contact chaud n’avait pas eu le plaisir espéré sur la surface gelée de ses doigts, bien au contraire. Quelques gouttes vinrent ébouillanter sa jambe en traversant son jean mais ce n’était rien comparé à la douleur de ses doigts. Quand elle réussit à se ressaisir elle put enfin lui répondre…

Merci beaucoup... Keira…une infusion, c’est parfait ! Je pense qu’avant de la boire je vais laisser la vapeur me réchauffer un peu…il fait de plus en plus froid, et…à cette hauteur la ville ne nous réchauffe pas comme en bas.
Tu devrais descendre maintenant…l’échelle est glissante…puis..pas de raison qu’on soit deux à se faire mal traiter par ce temps !

Elle lui fit un petit clin d’œil et sourit de nouveau, on pouvait lire dans son regard beaucoup de gratitude.

Et encore merci…vraiment ! Ca devrait m’aider à tenir encore quelques heures.

Elle la vit disparaître en espérant que la descente ne serait pas trop ardue, ne laissant plus rien d’amical à sa vue. La vapeur montait jusqu’à son visage, mais elle se pencha un peu plus pour en profiter d’avantage.
Sympa cette fille…peut-être devrait-elle à l’avenir se montrer un peu plus sociable, et qui sait lui rendre un jour la pareille.

//s'cuse Keira, mais j'avais pas fini là où je voulais en venir Embarassed

je voulais encore poster un truc mais tu pouvais pas le savoir mais merci pour la tasse hein Wink

//

Les heures avaient filé, le froid était toujours de plus en plus rude. Le gobelet avait été vidé et sa réconfortante chaleur s’était évanouie.
Elle s’était relevée péniblement, gardant le dos en appui contre le pilier principal, plus large que les autres. Après les pieds, ses mollets s’engourdissaient peu à peu, il fallait bouger, activer ce sang qui prenait de plus en plus la consistance lourde d’un métal en fusion au contact de l’air. Ses orteils pourtant soigneusement enveloppés dans un bon mètre de bandes semblaient s’écraser contre le cuir dur de bottes trop petites malgré le 44 encore inscrit au centre de la semelle. Des chapelets de vapeur s’échappaient rapidement de sa bouche, même l’air semblait plus lourd. Elle avait laissé l’arme pendre par sa sangle quelques minutes alors qu’elle essayait tant bien que mal de masser ses doigts au travers des gants tout en gémissant à chaque pression. Les quelques larmes que lui arrachait la douleur semblaient geler immédiatement aux coins de ses yeux, comme ses cils blanchis.
La relève…vite !

On a beau vieillir, et surtout grandir, il y a des choses qui restent ancrées en vous, comme marquées au fer rouge, gravées à tout jamais dans l’essence même de votre être, de ce que vous êtes dans le présent. Des odeurs, des voix, des instants, des sensations, des émotions…
Et cela se rappelle bien souvent à vous sans que vous vous y attendiez.
L’odeur du lait chaud, les petites mains enveloppant le bol réconfortées par cette douce brûlure, la caresse maternelle glissant quelques doigts dans les mèches de vos cheveux, le plaisir d’être touchée, la joue contre cette poitrine moelleuse où les cognements réguliers d’un autre cœur ne semble battre que pour vous, la voix tendre qui vous berce de mots plus doux encore que la fourrure d’un lièvre, ces bras démesurés qui vous serrent, vous enlacent et vous expriment tant d’amour que vous semblez vous fondre en eux, ces lèvres qui se frottent sur votre front et vous couvrent d’une multitude de petits baisers...
Tout cela paraissait si lointain, comme un rêve, comme les souvenirs fugaces d’une autre vie.
Mère…
Dans la tourmente glacée qui pénétrait peu à peu chaque centimètre de son épiderme, le souvenir de cette chaleur si puissante lui était revenu.
Ses dents continuaient de claquer malgré elle. La neige lui fouettait les joues comme autant de gifles qu’un bourreau aurait pu donner pour que la douleur reste vive. Mais malgré tout elle ressentait de plus en plus l’envie de dormir.
Elle quitta l’appui sécurisant du pilier, le froid envahissant immédiatement son dos qui n’était plus épargné.

Marcher ?…Ne pas dormir…la relève…bientôt…tenir…
Mère…
La jeune aborigène tenta quelques pas mal assurés sur la parcelle, le corps transit de froid. Mais entre le bois et l’épaisse couche de neige, une fine couche de gel s’était formée, rendant la surface pourtant si sure d’ordinaire aussi glissante que meurtrière. L’esprit était engourdi, moins réactif, moins vigilant Son pied dérapa et son corps bascula au dessus de la rambarde de sécurité, entraîné par l'épaisse couche de vêtement censé la maintenir en vie. L’esprit se réveille alors, comme recevant une décharge d’adrénaline mais trop tard.
Son coude, sa jambe se heurtent contre la structure avant que sa main ne finisse in extrémiste à agripper un des tuyaux qui forment l’armature quelques mètres plus bas. Un grand cri s’échappe de ses lèvres gercées quand ses doigts cassants doivent supporter sans préavis, sans ménagement tout son poids.
Les jambes se balancent dans le vide. La sangle s’échappe de son épaule et l'arme tombe sans bruit sur le sol. Impossible d’évaluer la hauteur, la neige rend le haut comme le bas complètement invisible. Elle continue de crier et de gémir sous l’effort, la brûlure est devenue tellement forte qu’elle a l’impression que ses doigts vont se briser comme de la glace. Ses pieds recherchent désespérément un appui alors que l’autre main reste immobile comme incapable de fournir de moindre effort. Le temps se fait encore cruel et se fige. Le vent et la neige continuent de siffler à ses oreilles et de la malmener sans la moindre compassion. Le désespoir autant que la douleur fait son œuvre, à bout de force elle finit par se laisser glisser doucement.
La chute est moins longue qu’elle ne l’aurait pensé et la neige épaisse amortit son corps sans trop de dégât. Elle est vivante ! A cette minute elle est vivante, mais elle est incapable de se relever, ni même de bouger. La neige la recouvre légèrement, elle sent les flocons fondre sur ses lèvres et pénétrer sa bouche. Ouvrir les yeux devient presque impossible. Ses dents continuent de claquer alors qu'elle essaye de parler…

Jjj…pas…mou..rir…pas..ici…p..comme ça…pas mourir…

Mère….
Quelques larmes bravent la température, plus abondantes sans doute, plus chaudes que les autres et coulent le long de ses tempes. Sa respiration est saccadée, la peur l’envahit, le refus de la mort, de mourir comme ça la maintient encore un peu éveillée. Mais comme pour enfoncer le clou aux sentiments désespérés qui l’envahit le cours de sa vie défile, ses choix, ses actes…

Pas…mourir... seule....

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Nombre de messages : 99 Date d'inscription : 17/12/2007

L'ombre du géant noir n'avait jamais été bien loin. Cependant depuis leur discussion autour du feu à Ironwood, Shazam n'avait plus adressé la parole à l'indigène. Il l'avait observée. Elle avait tenue tête à Aaron , bravé le gitan déjanté... L'entrainement était intensif depuis son arrivée et elle apprenait vite. Le guerrier d'ébenne ne s'en était pas étonné, après tout c'était elle... La reine désignée par les esprits, SA reine.

L'homme avait observé la scène d'un œil attentif. Il n'avait aucune intention d'intervenir jusqu'à ce que l'élue chute. La voyant ainsi, misérable, il grimaça.
Non seulement les esprit avaient désigné une emmerdeuse, mais en plus il allait devoir s'occuper d'elle. Cela ne figurait pas dans ses plans mais il allait falloir faire avec.

Shazam descendit des murailles lentement, d'un pas nonchalant. Il s'avança vers l'aborigène grelotante et s'arrêta à un pas. Son regard scruta la jeune femme, fixant son regard hagard. Son teint avait pâlit, elle frémissait , allongée sur le sol.

Sans mot dire l'écorcheur franchit le dernier mètre qui le séparait de Cendre et s'accroupit. Il prit un instant, toisant encore une fois le corps haletant de sa reine. Les bras du géant s'emparèrent délicatement d'elle.
Il fût surpris par le peu de chaleur qu'elle dégageait et son visage se parât d'une nouvelle grimace. Décidément, les esprits étaient joueurs.

Shazam se releva, portant cette femme qui le haïssait et chercha vainement ce qu'il allait bien pouvoir faire d'elle....

Ses forces l’avaient complètement abandonné, gelées comme tout son corps.
Impossible de réagir, impossible de lutter.
Etait-ce le corps ou l’esprit qui avaient rendu les armes en premier ? C’était difficile de savoir, le climat influençait les tempéraments de chaque être, se jouant de leurs forces comme de leurs faiblesses. Elle qui ne supportait pas la chaleur, elle était en train de succomber au froid, c’était plutôt ironique.
La neige continuait de tomber, pénétrant peu à peu les fibres de ses vêtements déjà trempés. Son corps devenait de plus en plus lourd, mais étrangement la douleur commençait à disparaître. C’était comme si la neige avait engloutit ses membres.
Son cœur battait de plus en plus lentement, seuls ses cils frémissaient de temps à autre au contact des flocons. Sa mâchoire avait cessé de trembler. Elle perdait peu à peu toutes sensations, s’enfonçant de plus en plus dans un demi coma glacé.

Quand Shazam s’était approché et avait posé ses mains sous elle pour la soulever elle n’avait rien senti, juste une ombre sans importance qui avait obscurci la luminosité que filtrait ses paupières closes.

Alors qu’il la faisait basculer sur son épaule pour l’emporter, quelques larmes terminaient leurs courses. Depuis combien de temps n’avait-t-elle pas pleurer ?

Mère… que suis-je donc devenue ? Je vous ai abandonné, toi et père, pour poursuivre mon amour perdu et je ne suis que haine, violence et colère à présent. Je n’ai donc rien emporté de vous...de toi ?

Le seul son qui s’échappa faiblement de sa bouche avant de sombrer totalement dans le sommeil, comme un dernier repenti fait en se sentant disparaître.

Pa…pardon…

Nombre de messages : 99 Date d'inscription : 17/12/2007

Visiblement elle délirait. Être perdu dans ses songes était cependant une bonne chose. Peut-être que les esprits daigneraient enfin s'adresser directement à Cendre, qu'elle comprenne son rôle sur le grand échiquier. Elle était maintenant hissée sur son épaule et il fallait bien que Shazam en fît quelque chose. Elle était inerte désormais, murmurant des excuses à quelque fantôme du passé, bien loin de la réalité et de la vie qui la quittait peu à peu. Une autre qu'elle serait morte si cela n'avait tenu qu'à lui. Mais sa vie n'avait de sens que dans l'obéissance aux esprits. L'homme décida donc de la porter jusqu'au QG des Ecorcheurs.

La bâtisse n'avait rien de glorieux. Elle avait abrité naguère Orlan et ses fixs nocturnes. En son souvenir, trainaient encore les symbole d'un Acide Nucléik exterminé par les nouveaux occupant de la cahutte. Tout cela ne payait pas de mine mais il y faisait chaud. Un grand feu prenait place au centre, berçant la pièce d'une ambiance presque irréelle. Personne à l'horizon, le tour de garde n'était pas près de se terminer. Shazam fît calmement le tour du foyer pour s'approcher d'un lit miteux. Ce pucier avait-il été le théâtre des fresques presque inhumaines de Wendigo où de Louis II ? quoi qu'il en soit le géant bascula avec précaution le corps désormais immobile de la jeune femme. Il l'allongea et entreprit de trouver une couverture qui ne fût pas souiller des vestiges des activités nocturnes ou non de ses compères. Il prit finalement la sienne et recouvrit Cendre.

Les minutes s'égrenèrent pendant que Shazam se demandait s'il devait entreprendre le rite de possession. Il s'était assis prêt de sa reine et pesait le pour et le contre. La facilité aurait été d'en faire une demi-morte. Les anciens lui avaient appris cela mais c'était irrévocable. Le possédé n'avait plus de volonté, plus d'ego, plus de pensées. D'un autre coté le tempérament de l'aborigène était un problème. Comment lui faire entendre que son rôle passait avant sa propre vie ? Il avait déjà essayé et elle l'avait suivi....Mais Shazam savait qu'elle le haïssait toujours ...
Peut-être que le temps agirait pour lui....

Il décida donc de lui parler pour la tenir éveillée. Il commença par lui mumurer dans une langue oubliée :

- Lahara na kɔrɔn ye muso....
- Mansa be were sini fe

Les énormes rondins qui alimentaient le foyer au centre de la pièce avaient plus l’allure de demi troncs grossièrement tranchés à la hache par un bras de géant. Les braises du dessous étaient d’un rouge orangé vif laissant s’échapper de belles flammes qui léchaient déjà les dernières bûches posées avec gourmandise. La pièce n’était pas bien grande et la chaleur y était étouffante en contraste avec la tempête de neige qui avalait tout à l’extérieur.
A défaut de la soulager de l’hypothermie qui l’avait complètement rongée de la tête aux pieds, le choc thermique eut pour effet de réveiller violement ses douleurs. Quand il la bascula délicatement sur la couche, elle gémit quelques plaintes, les doigts bleus virant au rouge écarlate sous ses gants détrempés, recroquevillés en serre d’aigle. Ses dents se remirent à trembler de plus belle. Il fallait attendre que la température de son corps remonte.
Ses vêtements gorgés d'eau glacée lui collaient lourdement à la peau et lui donnait le sentiment d’être complètement nue dans la neige, et la pauvre couverture jetée par-dessus n’y pouvait rien. Etre écorcheur et attentionné ne devait pas être une habitude pour le sorcier qui malgré tout faisait quelques efforts.

Elle n’avait toujours pas reprit conscience.
Les souvenirs se mêlaient entre eux, se chevauchant pour créer des images nouvelles, presque irréelles, comme savent si bien le faire les songes, ou plutôt les cauchemars...
Elle se revoyait à califourchon sur cet homme, lui tranchant la gorge d’une oreille à l’autre, satisfaite de tuer un membré de plus…Snake…
Le sang affluait, couvrant ses mains de ce liquide si chaud, si rouge, alors que la vie qui se débattait sous elle quittait peu à peu les vitres ternes du regard de l’homme.
Debout devant elle une silhouette lui fit redresser la tête, son sourire s’affaissa immédiatement en croisant le regard familier mais triste de sa mère qui la fixait avec douleur, une main sur la bouche comme pour retenir son incrédulité face à la scène.
Elle n’avait pas changé. Ses longs cheveux noués en une épaisse tresse enduite d’une couche de terre rouge séchée. Son corps athlétique recouvert de lignes blanches sous des étoffes tissées à la main et brodées de motifs colorés et géométriques. Ses traits fiers et bien dessinés, sa physionomie féminine et pleine de sagesse.

Mère… Non ne me regarde pas !

Elle voulait se cacher, éviter à cette femme qui avait tant compter pour elle sa vue de meurtrière, mais elle ne réussit qu’à se couvrir d’avantage du sang de sa victime.

Ses visions l’agitaient aussi dans la réalité. Elle se réveillait peu à peu, mais ses yeux étaient encore gelés, impossible de les ouvrir. Elle entendait une voix encore lointaine, comme en sourdine, parlant dans une langue inconnue sans trop savoir à qui elle appartenait, et les claquements plus bruyants d’un bon feu un peu plus loin. Son corps était encore froid, ses membres engourdis la brûlaient fortement mais elle semblait hors de danger. Elle était toujours en vie, c'était un vrai miracle!
Elle retira ses gants, elle l’avait échappé belle, encore quelques heures dehors et peut-être qu’elle aurait perdu définitivement ses doigts.
Elle retrouvait un peu de sa lucidité. C'était clair qu'avec ses fringues mouillées elle n'arriverait jamais à se réchauffer, au pire elle risquait de se chopper un sale virus contagieux.
Avec difficulté compte tenu de la souffrance qu'elle ressentait dans les mains, elle retira les trois pulls successifs qui gouttaient abondamment, et les laissa choir sur le sol. Elle n'était pourtant pas nue pour autant. Sa poitrine était maintenue et recouverte d’une bande fortement serrée qui lui permettait de se mouvoir sans gène comme tout bon combattant.
A tâtons elle en déduit que quelqu’un l’avait recouvert d’une couverture, elle la prit et s’en couvrit les épaules en tremblotant.
Le plus délicat restait les bottes. Elle se sentait encore trop faible pour les ôter elle-même mais il était hors de question qu'elle perde ses orteils.
Les yeux toujours clos elle dirigea son visage vers la voix, la sienne était faible et lasse…

Je ne sais pas qui vous êtes…et je sais que je vous dois beaucoup, mais pourriez-vous encore m’aider ? Il faut que j’enlève ses bottes trempées et que je me sèche si je veux pouvoir enfin me réchauffer…mes doigts…mes doigts me font trop mal…je n'y arriverais pas seule...

Nombre de messages : 99 Date d'inscription : 17/12/2007

Shazam inspira profondément avant de soupirer, excédé. Il n'avait jamais eu l'âme d'un infirmier. La femme avait toujours froid visiblement et elle appelait à l'aide. Au point où il en était ... Après tout.... De sa ceinture, il dégaina un couteau. Il en observa la lame refléter les flammes dansantes, songeant qu'il aurait été aussi simple d'achever cette fragile comateuse. L'idée disparue aussi vite qu'elle était venue, ce choix n'était pas envisageable. D'une main, l'homme au collier repoussa la couverture des jambes de Cendre. De l'autre il trancha les lacets des bottes imbibés. Il retira vivement, sans délicatesse, les souliers.

Alors qu'il allait la recouvrir à nouveau, le géant s'aperçut que le pantalon de Cendre était également détrempé. Dans un soucis relevant plus d'une volonté d'en finir rapidement que d'une empathie qu'il n'avait jamais connue, Shazam entama une nouvelle découpe. Il tenta de ne pas blesser l'élue en cisaillant non pas un mais les deux pantalons humides qu'elle portait. Le couteau remonta une jambe puis l'autre. L'africain rangea son outil avant de finir de défroquer la jeune femme d'un coup vif.

Shazam marqua une pause, observant pour la première fois le corps de Cendre-lune. Ses jambes désormais nues semblaient taillées pour la course. Les muscles saillants dénotaient d'un entrainement intensif. Cette vision ne troubla pas le sorcier. Il l'observait d'une façon presque absente, pensant à la réaction de la belle quand elle saurait qui l'avait aider...
Nonchalamment, il remit la couverture en place. L'homme se s'assit de nouveau près de la tête du lit miteux.

Voilà qui est fait, femme....

Tu vivras...

Les esprits ont d'autres projets pour toi...

Bien qu’au timbre de la voix qui parlait dans ce dialecte inconnu on ne pouvait s’y méprendre, le manque de tact et de douceur qui s’en suivi lui confirmait que c’était bien un homme qui l’avait sauvé. Ou un ours peut-être…

Elle l’entendit souffler lourdement. Manifestement il lui avait épargné de mourir bêtement, mais pas forcément dans un élan de compassion à en juger l’entrain qu’il manifestait à l’aider.
Qui cela pouvait-il être ?
Hans ? Non, rien à voir, le jeune homme traînait toujours avec lui des parfums de cuisine facilement reconnaissables. Alors qui ?

Bien qu’il lui était encore impossible de réagir, elle se crispa quand il s’attaqua sans ménagement à ses bottes. Elle sentait les laçages tirer et rompre soudainement un à un.
Etait-il armé ? Si au moins elle arrivait à ouvrir les yeux une bonne fois pour toute, elle saurait à quoi s’en tenir, plutôt que de froncer bêtement les sourcils en prêtant une oreille attentive. Mais ses paupières étaient rouges, irritées et toujours soudées.

Vu le peu de délicatesse qu’il avait dans ses gestes il lui était difficile de définir s’il était en train de l’aider ou de l’agresser. Le froid contractait encore ses muscles, elle savait qu’il lui serait difficile de riposter s’il avait de mauvaises intentions, surtout avec des mains en si piteux état, mais elle trouverait bien de la ressource pour lui opposer quelques difficultés, du moins c’est ce qu’elle espérait.
Elle réprima quelques plaintes quand il eut fini de lui ôter la dernière botte. Ses orteils étaient aussi douloureux que ses doigts, complètement congelés. Les bandes qui les enveloppaient étaient aussi humides et glacées que ses vêtements, il fallait qu’elle les enlève au plus vite. Ca, elle y arriverait peut-être seule en y prenant le temps, inutile d’incommoder un peu plus le gagnant de ce colin-maillard improvisé.
Mais elle n’eut pas le temps de se pencher en avant pour les défaire qu’il lui attrapa la jambe. Elle entendit le bruit caractéristique d’un tissu qui se déchire et sentit la peau de ses cuisses prendre aussitôt l’air chaud de la pièce.

Qu’est-ce qu’…

Elle n’eut pas le temps de dire quoique ce soit qu’il réserva le même sort à la deuxième avant de tirer sauvagement les 2 pantalons qu’elle avait enfilé ce matin en prévision du mauvais temps. Non pas que l’idée de se retrouver en petite tenue l’indisposait, elle n’était pas franchement pudique, mais elle savait que la chair dénudée provoquait presque toujours des pensées tordues dans le cerveau sous-jacent de ces porcs. Si dans la seconde qui suivit il n’avait pas cessé de la toucher il se serait sans doute prit un coup de genoux, mais le fait qu’il la recouvrit presque immédiatement de la couverture lui évita un douloureux malentendu…pour elle.
Elle s’assit sur la couche, le dos collé contre le mur, les genoux repliés contre sa poitrine. Elle se sentait soulagée, prête à se reconcentrer sur son état quand la voix qui résonna la fit tressaillir.

Shazam ??! C’était Shazam !!!

Alors c’était à lui qu’elle devait la vie. C’était loin de l’enchanter, mais maintenant elle comprenait mieux l’attitude un peu rustre de son soi-disant sauveur. Elle se mordit la lèvre inférieure, qui se mit à saigner à cause des gerçures et finit par lui dire…

J’imagine que ce sont tes esprits que je dois remercier…toi…tu n’es que leur marionnette !

Elle tremblait de froid à nouveau, mais rageait intérieurement de lui laisser paraître un si misérable état.

Nombre de messages : 99 Date d'inscription : 17/12/2007

Shazam esquissa un sourire. Rien n'arrêtait donc l'aplomb de cette effrontée. Elle ne cesserait jamais de lui tenir tête. Les esprits l'avaient donc bien choisis... Cette "cohabitation" allait être houleuse et contraignante, mais il en allait de l'équilibre de ce monde et il faudrait faire avec. Le "membré" comme elle se plaisait à qualifier ceux de son sexe, la fixait maintenant, misérable qu'elle était. Malgré son assurance de façade elle transpirait la rage. Un jour elle tenterait surement de tuer celui qui lui faisait face. C'est du moins ce que pensait Shazam en cet instant.

Le sourire s'effaça rapidement et son visage redevint aussi neutre qu'à l'accoutumée. Peu de personnes lui avaient jamais arraché tant d'expressions et cet accès de communication l'avait surpris lui même. Il commençait à s'habituer à elle contre son gré ... Visiblement ce n'était pas le cas de Cendre qui même au seuil de la mort était prête à le défier. Pour toute autre personne, s'adresser à lui sur ce ton, à moins d'un kilomètre de distance équivalait à un suicide. Il avait émasculer Na-urn pour bien moins que cela.... Peut-être qu'il fallait lui faire comprendre. L'Africain s'adressa à elle d'une voix calme :

- Désires-tu à ce point mourir que tu te permettes de rire des esprits et de leur messager? N'as tu donc toujours pas compris qu'ils nous ont liés ? Tes sarcasmes n'y changeront rien. Peut-être aurais-je mieux fait de te laisser crever dans la neige comme la misérable que tu es, plongée dans ton passé.
Ton avenir et le mien sont liés et tu apprendras à me parler différemment pour tenir ton rôle....

Shazam se leva sans bruit et se retourna face au feu pour y remettre quelques buches qui trainaient au milieu des détritus. Tout en s'afférant lentement il parla de nouveau :

Maintenant deux choix s'offrent à toi femme. Soit tu me parles en montrant plus de respect envers ceux à qui tu dois la vie et tu pourras boire de quoi te réchauffer. Soit tu continues sur ce ton et tu attendras dehors que tes forces t'abandonnent pour supplier que je t'offre une mort décente.

Elle continuait de grelotter, ses cuisses glacées repliées sur son ventre, le menton appuyé sur ses genoux, la moue colérique et boudeuse. Ses poings se refermaient, mais elle ne pouvait pas les serrer autant qu’elle en éprouvait le besoin sans que ses mains ne se mettent à trembler en la faisant souffrir horriblement.
Elle l’écoutait avec l’envie de lui clouer le bec, mais il fallait bien qu’elle se rende à l’évidence, elle n’était pas en position de force et avec ce mâle il n’y avait pas de faux semblants, pas d’humour ou de manipulation. Il était primaire et brutal, et ce qu’il disait en général, il le faisait.
Oh elle aurait pu jouer les ingénues, les femmes faussement soumises et manipulatrices à souhait, mais c’était sans compter sur son fichu caractère.
Le corps encore aux prises avec le froid, elle se sentait bouillir intérieurement.
Pourquoi montrerait-elle du respect envers des esprits auxquels elle ne croyait pas !
Pourquoi entrerait-elle dans ses délires pour flatter sa folie ! Non !
C’était beaucoup trop lui demander. Les seules marques de respect que le colosse d’ébène lui inspiraient était de l’achever une bonne fois pour toute pour que les voix qui le tourmentent se taisent à jamais.
Ses exigences sonnaient comme une demande de reddition mais lui être soumise lui était intolérable. Malgré tout sa survie semblait dépendre de quelques concessions, certes très difficiles à faire pour elle, mais manifestement nécessaire.
Elle l’entendit faire quelques pas avant qu’il ne reprenne en lui donnant une sorte d’ultimatum. Elle cherchait à calmer son tempérament avant de prendre la parole, mais c’était laborieux. Lui mentir et jurer cracher qu’elle ne le ferait plus lui semblait tellement puérile qu’elle préféra jouer la carte de l’honnêteté quitte à lui déplaire pour de bon.

Tu sais très bien que ce que tu me demandes est difficile pour moi !
Tu ne m’as jamais laissé que deux choix, vivre en étant prisonnière ou mourir…
Tu ne te rends donc pas compte que tu me demandes un choix impossible et que ça me rend dingue !
J’ai besoin de te haïr et de te mépriser, sinon je ne serais plus qu’une loque...et je m’y refuse…j’ai ma fierté je ne peux pas changer ça !
Tu penses me faire fléchir en me menaçant mais tout ce que tu fais c’est me pousser un peu plus vers la mort !
Et je veux vivre !
Je t’ai suivi, je suis ici dans cette ville de dégénérés, à tes côtés… qu’est-ce que tu vas encore exiger de moi ?!
T’aurais peut-être du me laisser crever en effet…après tout…c’est sans doute ce que je mérite….

Nombre de messages : 99 Date d'inscription : 17/12/2007

Shazam l'écouta rétorquer sans la couper. Son discours avait le mérite d'être honnête, du moins il le pensait. Il se dirigea vers un tas d'immondice tout en réfléchissant aux arguments de Cendre. Elle n'avait pas tort. Le choix qu'elle avait fait en le suivant était déjà une avancée. Mais il attendait d'elle qu'elle comprenne... La patience n'ayant jamais été son fort, l'homme décida de faire une exception, encore une ... Mais pour elle après tout...
Du tas d'ordures il extirpa une carcasse de ce qui semblait avoir été une volaille. Sans mot dire il se dirigea vers la sortie et emprunta la porte.

Le géant revint presque aussitôt, une casserole cabossée remplie de neige dans une main, la volaille dans l'autre. Il posa l'une sur le feu et plongea la seconde dans la première. Lentement il retourna s'assoir près de sa reine et la fixa un instant. Peut-être finirait-elle par comprendre un jour. Devait-il la brusquée? Cela risquait d'être contreproductif. Autant jouer lui aussi la carte de l'honnêteté. Ainsi l'africain posa la seule question qu'il estimait essentielle à ce moment précis :

- Me haïr dis-tu?

- Est-ce donc là la seule raison qui t'as poussée à me suivre? Me tuer?

- Et bien fais le une bonne fois.

Tout en finissant sa phrase Shazam dégaina à nouveau son couteau. Il le retourna d'un geste vif et en posa le manche dans la main de celle qui lui faisait face.

Elle l’entendit bouger, se lever sans doute à en juger par l’ombre qui venait de passer devant ses yeux clos et au mouvement de l’air sur son visage. Elle écoutait avec appréhension sans trop savoir ce qu’il était en train de faire. Ses lèvres saignaient toujours mais elle ne pouvait s’empêcher de les mordre. Son silence était pesant et plus le temps passait plus elle s’inquiétait de sa réaction face à son élan de sincérité. Y avait-il ne serait-ce qu’une once d’humanité sous cette carapace sombre, douée de réflexion, capable d’entendre, de comprendre, d’accepter et de tolérer les émotions d’un autre ?
Le corps à présent sec et dans une position conservatrice de chaleur, elle pouvait enfin profiter des bienfaits de ce feu qui embrasait le centre de la pièce. C’était comme si le sang circulait de nouveau à vive allure dans ses capillaires, lui donnant meilleure mine, même si un long somme serait nécessaire pour se remettre totalement.
Mais pour l’heure il n’était pas question de dormir.
Il finit enfin par se décider à rompre ce petit jeu cruel. Mais sa voix rauque, cette façon toujours calme de prononcer le moindre mot sans jamais en utiliser un de trop, cette manière irritante d’aller au but sans le moindre ménagement lui donnait la chair de poule.
Alors qu’elle se demandait si il n’était pas en train de se moquer d’elle vu son état, elle sentit le manche de son arme, une lame comme elle l’avait supposé avec le coup des bottes, mis de force dans sa main droite.
Elle saisit l’arme, étonnée par son comportement, les doigts un peu plus souples mais toujours douloureux à serrer.
Où voulait-il en venir ? Il voulait la tester ? Lui donner la possibilité du premier élan en profitant de ses sentiments de haine pour lui donner une bonne leçon avec pour moralité : tu l’as bien cherché ma grande !
Pour elle il ne faisait aucun doute qu’il y avait anguilles sous roche. C’était sûrement du à sa faiblesse actuelle, mais pour elle cela ne faisait aucun doute. Qu’il la prenne pour une femme stupide l’énerva d’avantage pourtant la tentation était grande. Ils semblaient bien être seuls dans la pièce. L’occasion aurait vraiment été belle si elle avait été au maximum de ses capacités. Elle était en train de peser le pour et le contre, mordillant un morceau de peau qui s’était détaché en partie de sa lèvre inférieure. Et si…..
Mais très vite elle repensa à la jeune prêtresse, Tabara et au pacte qu’elle avait du faire avec le blondinet pour la maintenir en vie. Aaron c’était montré assez cool depuis le début, même si elle se plaisait à le remettre à sa place de membré sous développé, mais là… Si elle rompait sa parole il prendrait un malin plaisir à venger son pote le balafré, et plus qu’à sa vie, c’est à celle de la jeune femme qu’elle pensait.
Non, impossible, il faudrait vraiment qu’elle remette cet énorme plaisir à plus tard. Supporter encore d’être prisonnière, supporter cette colorée et bruyante copie de Sodom et Gomorrhe, supporter ces habitants et leurs futiles futilités.

Désolée, je risque de te décevoir mais comme tu peux le constater je ne suis pas état de tuer qui que ce soit. Si ça peut te consoler dis-toi que j’ai au moins un énorme respect pour toi dans l’idée de te prendre ta vie. Après tout…tu n’es pas n’importe qui…juste mon meilleur…ennemi…

Elle s’accrocha encore quelques secondes à regrets sur le manche de l’arme puis le laissa choir sur la couche avant de ramener sa main sur ses genoux.

Nombre de messages : 99 Date d'inscription : 17/12/2007

Shazam fût déçu. Il en attendait plus de la part de la jeune femme. Elle aurait dû lui sauter dessus, tenter quelque chose contre lui. Mais ce manque de combattivité l'avait désarçonné. Le silence qui s'installa ne fût rompu qu'au bout d'un long moment par le frémissement de la mixture. La viande de la carcasse devait être faisandée depuis un moment à en croire l'odeur qui émanait de la casserole. L'africain fouilla le sol du regard. A ses pieds trainaient des bols usagés qui avait contenu un liquide noirâtre dont les résidus maculait le fond des récipients. Ce lieu était une vraie porcherie. C'est pour cela qu'il y mettait rarement les pieds. L'homme ramassa un bol et le secoua vigoureusement pour en déloger les plus gros restes. Il servit distraitement le bouillon, non sans en renverser une partie sur ses bottes.
Il huma avec un certain dégout le parfum de rance que portait la vapeur. Après tout si elle avait si froid, c'était mieux que rien.
Shazam posa sa main sur celles que Cendre avait gardées sur ses genoux, prostrée. Il guida le bol jusqu'aux doigts congelés de l'aborigène et la contempla sans prononcer un mot.

Encore ce fichu silence qui la mettait face à son impuissance. Etait-il en train de se moquer ou la fixait-il de ses yeux durs avec mépris. Décidément c’était une horrible journée, il était vraiment temps qu’elle se termine.
Un drôle de bruit lui fit tourner la tête, comme un liquide qui s’était mis à bouillir un peu plus fort et que le bruit du feu et la situation avait fini par faire oublier. D’ailleurs une drôle d’odeur commençait à remplir la pièce.
Elle se crispa quand elle sentit cette masse s’approcher d’elle de nouveau, dévorant la luminosité que ses paupières arrivaient à filtrer. D’ailleurs elle commençait à pouvoir très légèrement les entrouvrir, mais la peau tirait énormément et ses globes oculaires semblaient aussi irrités que si le vent lui avait jeté violement le sable du désert dans les yeux.
Le contact de ses doigts sur sa peau la fit frémir d’horreur, mais en tenant le bol brûlant entre ses mains elle comprit très vite ses intentions. Un tel geste compatissant la surprit énormément, mais cela n’avait rien à voir avec celui que Keira avait eu quelques heures plus tôt. La vapeur qui se dégageait du bol avait une odeur forte et désagréable, ce qui la rendit méfiante quant à son contenu. Elle s’inquiétait de savoir si le sorcier qu’il prétendait être ne chercher pas encore à empoisonner son esprit à défaut de son sang avec des mixtures suspectes dont il avait le secret.

Qu’est-ce que c’est ? Ca…sent bizarre ton truc ? Tu ne chercherais pas à m’envoûter…ou un truc dans le genre j'espère...