Coincé aux portes...

Après l'errance, après la solitude et après la soif, Sandro aperçoit une ville. Il se souvient, alors, que quelqu'un, sur la route, lui en avait parlé. Il peine à se souvenir du nom de la ville, ou du nom de la personne qui lui en avait parlé. Une jeune femme... Elle disait être au ordres du patron de cette ville, peut-être. Elle avait indiqué le sud-est, et Sandro y était allé. Constatant que la cité était barricadée, il envoit une missive.

"Bonjour.

Je me suis retrouvé, il y a quelques jours à peine, perdu dans ce désert. J'y ai croisé diverses personnes, dont une jeune femme qui m'a parlé de cette communauté. Elle disait connaître le chef... J'ai oublié son nom, et perdu les lettres que nous avions échangées. Dommage...

Et après un certain temps de marche, j'ai vu cette ville à l'horizon. Son nom ne m'était pas inconnu, et préférant vivre en communauté que seul, j'ai décidé d'y entrer.

Mais je n'y ai pas croisé âme qui vive. Visiblement, tout le monde vit barricadé, cette cité m'a l'air coupée du monde. Raison de plus pour y aller.

C'est la raison pour laquelle je sollicite de votre bienveillance mon intégration à cette communauté. Quelle que soit la réponse, je vous suis gré de me la faire parvenir.

Merci d'avoir lu cette missive

Amicalement,
Sandro Swordfire"

Après un bref silence, sa radio émet.

- Ramdam, coupée du monde ? C’est une blague, picciotto. C’est une des villes les plus ouvertes au désert. Forcément, on a des « barricades », parce qu’il faut bien qu’on se protège un peu… Mais alors coupée du monde, sûrement pas. Quoi qu’il en soit, si tu veux que j’te laisse entrer, va d’abord falloir te présenter sur les ondes de Ramdam. J’fais portière, mais faut t’faire connaître de tous. On aime pas les baveux ici. Alors va falloir bavarder un peu avant que j’décide de t’ouvrir.

Quelques grésillements, puis le silence. L’émetteur est déjà raccroché.

-Eh bien, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle n'aura mis ni formes à sa pensée ni dentelle pour m'exprimer la gaillardise de son accueil... Je vais commencer par suivre son conseil, et selon le point où cela me mènera, j'aviserai.

Sandro décroche sa radio, règle sa fréquence. Ramdam.

-Merde je suis inaudible ! Pas moyen d'en placer une. Bon... Force m'est de l'admettre, mais me voici acculé à recontacter la portière... Il faudra que je songe à changer de vocabulaire, à l'occasion.

Sandro rebranche sa radio et contacte Selene

-Salut la miss, ici Sandro. J'm'excuse de te faire chier avec mes broutilles, mais là, pas moyen de causer sur la fréquence Ramdam. Même du coté des portes, tout est bloqué... Je vois pas trop comment me présenter sur une fréquence où on m'entend pas. Soit c'est un bug, ce dont je doute, soit je me suis planté, ce que je redoute, parce que j'aurais l'air bien con...

Bref.

Ben bref merci pour la réponse, pis à la prochaine.

Sandro pose sa radio, toujours branchée, et s'assied devant les portes de la cité. Visiblement, il n'était pas rendu à l'intérieur avant un certain temps.

Après quelques minutes d'attente, il repasse sur la fréquence Ramdam. Il est audible.

-Salut la dedans. De dehors, Ramdam ressemble un peu à une boîte de conserve géante, alors je me suis dit qu'en y étant je pourrais conserver ma vie intacte plus longtemps qu'en crevant de soif à l'extérieur. Bref...

Je sais pas trop quelles sont les règles de vie dans ce p'tit village, mais je m'y plierai. Si on me dit de faire ci, je ferai ci, et si on me dit de faire ça alors je ferai ça. Pour autant je préfère avoir le choix, ou faire des trucs intéressants, mais dans tous les cas je compte bien filer un coup de main aux dégourdis, ou un coup de pied au cul des engourdis, voire même les deux ! Je suis pas le plus sociable du monde, je suis pas le mec le plus agréable encore vivant sur notre p'tit caillou grillé, mais je suis loin d'être bête, et en plus d'avoir sacrément besoin d'un abri, j'ai envie d'entrer la dedans !

Voila, j'espère vous avoir convaincu. A bientôt !

Sandro coupe l'émission. Il est plutôt satisfait de son petit speech. Il n'a jamais été un orateur de talent, mais il estime s'en être bien sorti. Maintenant...

Advienne que pourra.

Nouveaux grésillements dans la radio, rendus presque inaudibles par les sifflements du vent.
A la vigie, Selene avait regardé l'homme s'asseoir, impassible. Il avait certainement froid. Peu importe, les consignes avaient été claires. Il devait se présenter avant.

Et c'était désormais chose faite. La jeune femme descendit alors du chemin de ronde, faisant tinter le trousseau de clefs. Les lourdes portes s'ouvrirent lentement, laissant apparaître à Sandro la Cité des Arts.
Son regard acier se planta sur lui.

- Tu vois, c'était pas compliqué. Vas-y, rentre, et va te mettre au chaud, tu vas finir par nous choper un truc sinon.

Selene referma les portes dans un claquement sourd. Pas question de jouer à la guide. Peut-être que quelqu'un arriverait pour le faire...

Selene referma derrière moi les portes de la ville. Dedans, il faisait nettement plus chaud, et le sol était nettement plus propre. On était loin des cuisines d'un grand restaurant, ou d'une chambre d'hôtel de luxe... Mais ces références, désormais, n'existaient plus que dans nos mémoires. Il parait que des enfants sont nés depuis l'apocalypse. Il parait.

Je regardai autour de moi. Selene était déjà repartie, sans doute à son poste. Les rues étaient désertes. J'attendis alors un souffle, un bruit, quoi que ce soit qui m'indique une présence. Visiblement, il n'y a aucun comité d'accueil précis.

Je me mis à déambuler dans les rues. Après avoir passé les bâtiments, j'arrivai aux tentes. C'est là que je m'installai. Je dressai mon campement, installa ma tente, mon abri, ainsi que tout ce qui me serait utile puis j'allai me coucher.

A mon réveil, une lettre m'attendait devant ma porte. Pas de comité d'accueil, mais une bonne organisation.

"Rock'n Roll Baby

Voyageur, non tu ne rêves pas...

Dominant les vertes prairies qui résistent tant bien que mal au cauchemar du sable couvrant les étendues infinies de ce monde morose, c'est bien Le Ramdam qui s'élève ici : le ville de tous les excès perdue au milieu d'un océan peuplé de hordes sauvages.

Ici, sur le territoire du Ramdam, seules comptent nos lois et le bon vouloir du patron.
Suis les ordres, sinon on te foutra dehors, voir on te bouffera...

Tout acte de barbarisme est proscrit et sera puni, sauf accord du boss.

Tout acte contribuant au progrès de l'espèce humaine est le bienvenu et mais ne sera pas récompensé, faut pas rever, t'es pas chez Emmaüs ici.

Ah ouais, un autre truc...t'es un peu artiste, tu sais faire autre chose que de te tripoter la nouille, bienvenu, t'es ici chez moi!
Au besoin, contre tes talents, on saura te recompenser et t'aider un peu.



A la fin du tour, vous utiliserez les réserves de la communauté.
Toute production sera immediatement transféré dans les réserves communes."

Mis à part quelques fautes, la lettre avait le mérite d'être accueillante et claire. Ici, on ne produit pas pour soi mais pour le groupe, et on gagne en retour de quoi satisfaire nos besoins vitaux.

Artiste... Ce mot résonna à mes oreilles. Moi qui avait gagné ma vie comme poète et écrivain avant l'Armageddon, je me sentis concerné par ces mots.

Jusqu'ici, je doutai que le talent d'écrivain puisse me servir. Dans ce monde de chaos, où le sexe et les drogues dirigent les êtres vivants, qui pourrait encore attacher de la valeur à l'esthétisme ? Visiblement, les chefs de cette ville.

-Oui. J'ai bien fait de venir ici.

Je sortis de ma tente, et je constatai à quel point cette ville est vivante. Il y avait des gens partout. Ça criait, ça se battait, ça draguait, bref, ça vivait. Ce grouillement, accompagné d'un flot, sonore et olfactif, aussi puissant qu'inévitable, était un peu comme le cœur de la ville, battant. En voyant cela, je me demandai : "y a-t-il vraiment des heures de calme dans cette ville ? Comment se fait-il que je n'ai croisé personne hier ?".

Je me levai, abasourdi. Je restai planté là, immobile, comme un clou dépassant du sol. Ce monde, ce peuple, cette vie au beau milieu du désert me dépassait complètement. M'émerveillait.

Cette ville me plut.